samedi 17 octobre 2015

Spartathlon 2015 - 2e couronne et coupe au 3/4 pleine



Avant-course

Voilà, je suis de retour à Athènes deux ans après ma première participation. J'ai encore dans la tête ma course de 2013, surtout la fin interminable sous le cagnard de Laconie. Mais bon j'avais fini, et aujourd'hui je me présente au départ mieux préparé, dans une condition physique optimale, avec de l'expérience en plus, et je pourrai compter sur l'aide précieuse d'Alain qui m'assistera dans cette aventure. Tout au long de ce récit je ferai pas mal de comparaisons par rapport à 2013,tout simplement car j'y ai souvent pensé tout au long de la course : il y a 2 ans mon référentiel c'était les récits que j'avais lus et le dossier que j'avais écrit (mise à jour à venir prochainement), cette année c'est ce que j'ai vécu la dernière fois.

Certes je sors d'un 24 heures « bâché » début Juin à Albi, mais ce fut un mal pour un bien : je pense en avoir un peu trop fait au printemps, et du coup j'ai attrapé la crève avant la course. J'assume cette erreur, et j'ai été prudent lors de ma préparation cet été, levant le pied au moindre signe avant-coureur de fatigue.
Vu ma « prestation » écourtée sur les 24 heures, j'ai pu reprendre très vite et monter assez rapidement en charge dès fin Juin où j'ai profité de congés de 2 semaines en Crète pour enquiller kilomètres et dénivelé sous la chaleur. Suite à cette phase de foncier, je n'ai consacré que 3 semaines pour faire monter un peu le cardio avec moins de kilomètres, pour finir par 6 semaines de spécifique dont les 100 km de Theillay courus sous la canicule assez facilement en 9h43, ce qui m'a conforté dans la pertinence de mon entraînement. Mon kilométrage moyen a été de 150 km par semaine sur Juillet / Août, ce qui est beaucoup pour moi, j'aurai même dépassé mon kilométrage annuel record de 2012 (4 392 km) 3 mois avant la fin de l'année en parcourant plus de 4 500 km depuis Janvier si je termine la course. Mais vu que j'ai bien dosé les intensités je n'ai jamais été fatigué. Outre l'endurance et le dénivelé, j'ai beaucoup amélioré mon seuil aérobie, en particulier lors de séances « lactate shuttle » et j'allais de plus en plus vite, notamment à allure marathon où j'approchais les 15 km/h en fin de préparation. De plus, pour assurer le coup, j'ai diminué la charge progressivement les 4 dernières semaines (après Theillay), privilégiant ainsi la fraîcheur tant physique que mentale, ce qui est une des clés pour aller au bout du Spartathlon.
Cerise sur le gâteau, étant beaucoup plus zen qu'en 2013 j'ai plutôt bien dormi la veille du départ. Alors qu'il y a 2 ans j'évaluais mes chances de toucher le pied de Léonidas à moins de 50%, j'estime qu'elles sont au moins de 80% cette année.

D'ailleurs, sur les 17 français présents sur la ligne de départ je pense que seuls Gilles et Emmanuel (Conraux) sont plus « fiables » que moi, le premier pour sa série de 13 Spartathlon de suite bouclés, le second car sa réputation de diesel increvable n'est plus à démontrer : deca-ironman entre autres, mais aussi 2 Spartathlon, l'épreuve est davantage une course de vitesse que d'endurance pour lui !
Il y a quelques coureurs français performants (malheureusement Stéphane Ruel a du déclarer forfait quelques semaines plus tôt), à commencer par Christian Dilmi qu'on ne présente plus (équipe de France de 24H), Wilfried, et Olivier, mais ils ont tous des soucis divers : mécaniques, crève, manque de préparation. Les autres sont plus ou moins en forme, certains ont déjà eu le bonheur de toucher une ou plusieurs fois le pied de Léonidas (Gilles, Emmanuel, Wilfried, Gérard et Philippe Segui, Juan, Angel, Hervé, et Manu), d'autres vont tenter d'obtenir leur première couronne d'olivier (Nadine, Véronique, Christian, Olivier, Sylvain, Christophe, et Ronan). De toute façon, au départ du Spartathlon, quelque soit son niveau, l'objectif est avant tout de parvenir à Sparte, le reste est accessoire, d'autant plus que cette année a vu une innovation dans la sélection : l'apparition d'un tirage au sort car il y a désormais trop de demandes (environ 750 pour 400 dossards attribués). J'ai eu la chance (car j'avais établi cette marque juste avant que le nouveau règlement ne soit publié), en effectuant un peu plus de 20% de plus que les minimas sur 24H d'avoir une place garantie et ainsi d'échapper à l'angoisse du tirage au sort (19 coureurs français furent finalement retenus sur 33 prétendants).

Je ne m'étendrai pas sur le plateau au niveau international qui est impressionnant tant coté masculin que féminin : les meilleurs mondiaux sur 24 heures plus d'autres sont là. On peut même dire que le niveau s'élève d'année en année : le Spartathlon serait-il en train de se substituer officieusement à des mondiaux de 24 heures moribonds (ils n'ont plus lieu qu'un an sur deux), et au moins ici les coureurs peuvent s'entraîner comme ils veulent sans être bridés par une quelconque DTN voulant mettre tous le monde dans le même moule : il y a autant de façons de se préparer que de coureurs !

Coté météo, les prévisions semblent plutôt bonnes : grand soleil vendredi avec 20°C à 7H au départ d'Athènes (mais une très forte d'humidité), un maximum de 30°C vers Corinthe dans l'après-midi, une nuit assez douce avec un ciel progressivement couvert, la température remontant au maximum à 27°C dans l'après-midi du samedi sur Sparte, avec un temps nuageux et éventuellement un peu de pluie.

Je suis arrivé mercredi en milieu de journée, j'ai retiré mon dossard l'après-midi, il y avait déjà pas mal de Français arrivés, l'atmosphère est toujours aussi spéciale et unique : favoris, anonymes, suiveurs, bénévoles ; tout le monde est ici pour vivre 6 jours au rythme du Spartathlon. Alain, venu de Rhodes nous a rejoins dans la soirée, c'est déjà l'occasion de boire une ou deux bières, ça n'arrêtera pas. Jeudi matin, nous avons couru 40 minutes en bord de mer avec Alain histoire de prendre la température. J'ai ensuite préparé le matériel pendant qu'Alain est allé récupérer la voiture de location.

L'assistance étant autorisée sur 15 des 75 CP du parcours (42,2 km, 80,0 km, puis tous les 10 à 15 km, soit tous les 3 à 5 CP), j'ai prévu deux ceintures porte bidon (je suis toujours fidèle à la ceinture Salomon Sensibelt 600 mL très confortable), ainsi Alain pourra préparer d'avance une ceinture avec un bidon plein (sucré ou salé à ma demande), avec dans la poche : deux sachets (un sucré et un salé), un gel (en cas d'hypoglycémie), et du PQ... Contrairement à 2013 où, étant seul, j'avais placé 7 sacs à différents CP, je n'en prépare que 2 pour les endroits stratégiques au cas où Alain ait un soucis avec le véhicule : au CP N°47 (km 159,5 au pied de la montagne où il doit commencer à faire froid) : chaussures, chaussettes, piles, coupe vent manches longues, gants, bandeau, collant, piles neuves et sodium (en fait un sachet d'Adiaril utilisé normalement pour réhydrater les nourrissons et qui contient 4 g de sodium + d'autres sels minéraux comme du magnésium et du potassium), et au CP N°65 (km 212,3, normalement en début de matinée avant qu'il ne fasse à nouveau chaud) : maillot manches courtes, casquette, chaussettes, sodium.

Profil du Spartathlon
Pour le reste je prépare 9 sachets de boisson énergétique salée (Effinov Hydraminov légumes) ainsi que 16 sachets de boisson sucrée (Isostar Long Distance agrumes). Avec Alain nous avons cherché en vain de la St-Yorre ou autre boisson gazeuse fortement minéralisée en sodium, car cela manque cruellement sur les ravitaillements ! Nous avons finalement seulement acheté deux bières blanches Hoegaarden et des tucs. Pour le sodium, vu qu'il n'y en a pas assez dans mes boissons énergétiques, il me faudra compter sur les biscuits salés, quelques soupes, et les 3 sachets d'Adiaril que je prévois de prendre : CP N°22 (km 80,0), et donc CP N°47 et 65.
Étant venu avec un seul bagage cabine, j'ai fait l'impasse sur l'équipement : rien pour la grosse pluie, seulement, en plus du matos déjà cité, quelques t-shirts, paires de chaussettes, et un coupe vent sans manches surtout pour être bien visible de nuit. Coté chaussures, je pars avec du léger : Asics Noosa Tri 9 déjà testées avec succès sous la chaleur à Theillay, et je changerai pour des Asics GT2000 au CP N°47 (km 159,5) car les Noosa Tri ne sont pas du tout adaptées à la section de trail. Je remettrai éventuellement les Noosa Tri ensuite.
Coté montre GPS (je sais qu'il y en a qui s'intéressent beaucoup au sujet...), ma Garmin FR920XT n'ayant malheureusement pas l'autonomie suffisante (pourtant annoncée à 40 heures), JP Run Run m'a prêté une FR225 qui devrait pouvoir tenir jusqu'au CP N°22 à Corinthe, la 920XT assurant le reste de la course. L'avantage de la FR225 est d'avoir une mesure de la FC optique au poignet : porter une ceinture des heures par temps chaud et humide n'est pas envisageable.

L'après-midi se tient le traditionnel briefing, nous assistons à la session en Français.
Avec Alain au Briefing
Avec Christelle et Christian Dilmi
À l'hôtel Emmentina où nous sommes logés en bord de mer à Glyfada, c'est un peu léger coté bouffe, à part pour le petit déjeuner assez fourni. Contrairement à 2013, je dors relativement bien la veille de la course, je suis beaucoup plus détendu.
A l'hôtel, tout est prêt
Je me lève relativement tôt (4h30 alors que le bus devant nous emmener à l'Acropole ne doit partir qu'à 6h) car j'aime prendre mon temps pour me mettre en tenue (je passe bien 10 minutes pour les chaussettes et le laçage, je sais que c'est important pour éviter ou retarder l'apparition d'ampoules), idem pour la crème anti frottements et enfin la crème solaire.

Après un petit déjeuner relativement léger, je prends le bus avec les autres coureurs pendant qu'Alain suit Françoise en voiture (elle connaît la route depuis le temps...). Le seul petit soucis est que je n'ai pas eu envie d'aller au toilettes ce qui est inhabituel.

Le bus est un peu en retard, et nous ne débarquons à l'Acropole que 20 minutes avant le départ. L'ambiance est toujours aussi spéciale : la tension est bien palpable, mais sans précipitation. Pas le temps de gamberger cette fois, à peine le temps de poser pour quelques photos du groupe France, mais aussi d'avoir une pensée pour Jean-Jacques Moros, grand coureur d'ultra, ayant réalisé deux podiums ici, et qui mène depuis de longs mois un combat bien plus dur que ce que nous nous apprêtons à vivre au cours des 36 prochaines heures.


Le groupe France (presque complet) au départ à l'Acropole
Au Spartathlon, point de musique au départ, le cadre antique et la simple pensée de la « tâche » à accomplir après des mois d'entraînement suffisent à ce que l'émotion envahisse le corps et l'esprit.

Acropole (km 0) – Mégare (CP 11, 42,2 km)

Nous sommes libérés par un simple coup de pistolet. Comme la plupart des coureurs, je profite de la descente initiale pour me mettre en route tranquillement et profiter du cadre avec le jour qui se lève, mais il faut être attentif : le premier kilomètre est une route antique pavée, ça serait bête de se blesser maintenant ! La température est douce : 20 °C au départ à 7h, cela serait même idéal si l'air n'était pas saturé d'humidité (il a pas mal plu les jours précédents). C'est vraiment palpable, il va falloir assurer coté hydratation et épongeage, la FC d'emblée élevée pour l'allure ne fait que confirmer cette impression. J'adopte d'emblée le Cyrano : je marche à peine 40 secondes tous les 2,5 km le temps de boire avec mon bidon. De plus je m'arrête brièvement à chaque CP pour un verre d'eau en plus. Afin de bien finir ma digestion, je ne prendrai que de l'eau durant la première heure de course, ensuite j'ai ensuite 3 sachets de boisson énergétique sucrée pour aller jusqu'au marathon (CP N°11) où Alain pourra m'assister pour la première fois. Au fur et à mesure des années je concentre de moins en moins mes boissons, et je prends davantage ce qu'il y a sur les tables de ravitaillement (bananes et biscuits salés principalement) ; je prévois à peine 1 kg de poudre, contre près de 1,5 kg il y a 2 ans.

Je discute avec quelques coureurs, on se souhaite bonne chance pour la suite. Après une côte peu pentue, mais c'est normal au début, vers le 10e km une bonne descente me permet d'accélérer et de doubler quelques paquets de coureurs : je compte beaucoup sur les descentes cette année. Première petite pause technique quasi rituelle à ce stade de la course.

Christian, Olivier, et Angel sont partis assez vite, je rejoins Wilfried (parti prudemment, mais il a encore un peu la crève) qui va rapidement repartir devant et Hervé avec qui je ferai quelques km. Nous atteignons ainsi Eleusis qui marque une rupture agréable avec sa zone piétonne dans le parcours jusqu'ici très urbain en sortant d'Athènes, et on tape dans les mains des enfants très enthousiastes au bord de la route. Il y a un premier tapis au CP N°4 (km 19,5), atteint en 1h49'43'' (113e). Le soleil est maintenant bien présent et le mercure commence à grimper.

Le long de la mer Egée (vers km 30?)
La route longe souvent la mer, si la plupart du temps ce sont des zones industrielles, il y a aussi quelques superbes parenthèses.

Si la température monte, l'air est toujours aussi humide et le cardio monte encore. Je suis très bien et je prends le temps de m'éponger et de bien mouiller casquette et voilette à chaque CP. Je picore systématiquement des biscuits salés et souvent un morceau de banane. J'ai laissé Hervé et j'ai rattrapé Angel qui semble vouloir gérer en ralentissant assez tôt ; pour ma part je ne compte pas me freiner avant le marathon car cette portion est ultra plate et il ne fait pas si chaud que ça. Je commence à remonter des coureurs simplement en conservant mon rythme.

Nous arrivons à l'entrée de Mégare, vers le 40e km, la circulation automobile est assez dense, il faut parfois jongler avec les trottoirs. Le CP N°11 qui marque le passage au marathon se situe à la sortie de la ville, je passe sur le tapis en 3h53'11' (91e), vu que j'avais dit 3h55 à Alain, tout va bien !

Mégare (CP 11, 42,2 km) – Corinthe (CP 22, 80,0 km)

Alain m'a d'ailleurs réservé une chaise et je peux m'asseoir deux minutes le temps de changer de porte bidon, et de remettre de la crème solaire. Je prends également deux lingettes – éponge pour mettre sous la casquette (j'aime bien ce système qui maintient le crâne humide un peu comme la feuille de chou de Mimoun), il y avait pas mal de CP fournissant des glaçons, mais je les ai peu utilisés à part un peu dans les bidons. Je prends aussi un petit bidon additionnel (Simple hydratation) que je bloque dans ma ceinture porte bidon : rempli d'eau il me servira à boire davantage ainsi qu'à m'asperger entre les CP. Je ne traîne pas, rendez-vous est pris avec Alain au km 80 (CP N°22 après le passage du canal de Corinthe) vers 15h (soit 8h de course). Juste après on passe sous un pont, où il y a toujours autant d'enfants pour taper dans les mains des coureurs. C'est le début d'une partie assez vallonnée et aussi une des plus belles sections du parcours où on longe la mer Égée sur une route de corniche. Je rejoins Olivier qui a fortement ralenti : il n'a pas assez d'entraînement et va faire ce qu'il peut. Plus surprenant, je rattrape Wilfried peu après ; il me dit qu'il va arrêter, qu'il na plus de force. J'essaie de le motiver d'aller au moins jusqu'à Corinthe tranquillement des fois que ça reparte, mais ça semble compromis. Je suis vraiment triste pour lui car il avait fait une grosse préparation, et déjà l'an dernier il avait dû renoncer pour cause de blessure.

Vers le km 50
De mon coté c'est l'inverse, j'ai toujours le frein à main et je cours quasiment tout le temps en montée. Ma FC est pourtant assez élevée, et je fais attention à bien m'hydrater et à m'éponger le plus souvent possible. Malgré cela je m'inquiète un peu car cela fait pas mal de temps que je ne suis pas aller pisser. Je bois donc davantage pour constater que mes urines sont assez foncées, mais cela rentrera dans l'ordre. Dans une descente que je dévale sur un bon rythme, je vois Alain qui s'est arrêté pour prendre quelques photos, il ose à peine m'encourager car Françoise a dit que c'était interdit partout ailleurs qu'aux CP où l'assistance est autorisée, bon là c'est un peu exagéré, mais on voit beaucoup de voitures officielles qui s'assurent que le règlement est bien respecté ! Il repart rapidement pour m'attendre à Corinthe. Cette année, il y a de gros moyens audiovisuels sur la course, et nous sommes souvent filmés par des caméras situées à l'arrière de SUV. Il y a même un drone qui nous survole parfois. Je double beaucoup sur cette partie vallonnée.
A partir du km 60, le parcours est de nouveau moins sympa, tout plat, avec de longues lignes droites, le pire est la raffinerie qui pue au km 70, avec un CP où je ne m'éterniserai pas. Je suis toujours très bien et je fais connaissance avec Mohamed, un marocain très sympa qui vit sur l'île de Paros, il a pris un départ vraiment très raisonnable vu son niveau (247 km sur 24H au printemps), c'est le premier Marocain qui court le Spartathlon. Je suis également souvent avec Ariel, un Israélien qui court lui aussi son premier Spartathlon, la course est vraiment de plus en plus internationale. Tout va bien également au niveau des pieds, alors que j'avais déjà une ampoule en 2013.


Il y a pourtant un truc qui cloche : j'ai du mouiller mon short lors d'un épongeage, et malgré mes précautions à ne pas le remouiller ensuite, ça ne sèche pas -toujours cette fichue humidité-, et ça commence même à m'irriter l'intérieur des cuisses... Je cours parfois en relevant les pans du short avec les mains pour que ça ne frotte pas. Il faudra aviser à Corinthe. En attendant, j'ai toujours autant de jus et j'avale la côte qui nous fait grimper pour accéder au pont surplombant le Canal, et je me force presque à marcher un peu pour m'économiser et ne pas arriver trop tôt au 80e km, des fois qu'Alain ne soit pas prêt...

Bandeau du blog Ultrapoésie de Guilhen
Le passage du Canal de Corinthe est toujours aussi magique, j'ai une pensée pour Guilhen et son blog avec le bandeau... Le Canal marque l'entrée dans le Péloponnèse et le véritable début de la course pour ceux qui comme moi ont la chance d'y parvenir en forme.

Il reste tout de même 2 km pas des plus agréables avant de parvenir à Hellas Can Factory où est situé le CP N°22 ; on longe une voie rapide et il y a pas mal de vent, mais bien moins qu'en 2013. Outre les bips du tapis et les applaudissements, on sait qu'on est sur le point d'arriver à ce CP par l'odeur nauséabonde qui se dégage aux alentours, je ne sais pas si c'est une usine ou une décharge...

Je passe le tapis avec un peu d'avance sur mes prévisions en 7h49'10'' (55e). Françoise et beaucoup des suiveurs français sont là (à part Christelle déjà repartie depuis longtemps car Christian est loin devant) et m'encouragent, et je ne suis que le 2e Français à passer. Alain est également là et a déjà tout préparé pour mon arrivée, je n'ai plus qu'à m'asseoir, c'est presque comme un stand de F1 ! Philippe qui a malheureusement du abandonner semble néanmoins excité de suivre la course et va m'aider avec Alain.

Corinthe (CP 22, 80,0 km) - Némée (CP 35, 123,3 km)

Avec Alain au CP N°22 (km 80)
Ma principale préoccupation ce sont les irritations provoquées par le short mouillé à l'intérieur des cuisses, c'est presque en sang. Je décide carrément d'enlever le short, je porte un boxer assez long en dessous, qui peut presque passer pour un cuissard. Je remets une bonne dose de crème anti frottements à par dessus, ça cuit pas mal sur le moment, mais après c'est bon ; de toute façon ça ne devrait plus frotter à ce niveau. Je remets aussi de la crème solaire, le soleil cogne bien, il est à peine 15 heures, et la température doit maintenant être aux alentours de 30°C. Alain m'a préparé l'Adiaril dilué dans un grand verre : c'est dégueulasse, mais j'arrive quand même à en boire plus ou moins la moitié. Je change aussi de montre (la FR225 a bien tenu car il restait de quoi faire encore 1h30, et a été précise tant sur la distance -80,2 km à la montre- que pour la FC -72% FCM de moyenne sur ces 80 km, ce qui est élevé mais normal compte tenu de la chaleur et surtout de l'humidité-) et prends ma 920XT qui devrait pouvoir tenir jusqu'à Sparte. Pour le reste, je change de ceinture, Alain a préparé un bidon salé -je n'avais pris que de la boisson sucrée jusqu'ici-, je remets de la crème solaire, je récupère mon bidon additionnel plein d'eau fraîche, et je mange un peu de bananes et de biscuits salés.
Inutile de traîner davantage, musculairement tout est nickel, et je n'ai aucune douleur nulle part. Rendez-vous est pris avec Alain dans 13 km, les CP où l'assistance est autorisée sont maintenant bien plus rapprochés, de 8 km au minimum à 16 km au maximum.

La route va d'abord vers le sud-est en descendant pour passer sous l'autoroute, puis remonte, et après environ 2 km, on tourne en direction de l'ouest. Jusque là il y avait un petit air rafraîchissant, mais après ce changement de cap, plus un pet de vent, la chaleur se fait alors sentir brusquement. Je ralentis un peu -depuis le 70e km je marche tous les 2 km-, et je prends un peu plus de temps de marche, surtout pour boire davantage, me verser un peu d'eau sur la tête les bras, et les jambes. Je ne suis pas le seul à avoir ralenti, je continue même à reprendre des coureurs dont le Polonais Piotr Kurylo qui fait partie de ceux qui ont écrit l'histoire du Spartathlon (2e en 2007 après avoir donné du fil à retordre à Scott Jurek), et encore 8e l'an dernier. Il me dit qu'il a chaud, mais il refuse l'eau que je lui propose. Alain me double, et me demande si je veux quelque chose de particulier au point d'assistance suivant -ça sera le même rituel à chaque fois-, tout va bien pour le moment. Je prends également davantage de temps aux CP pour bien m'éponger, la voilette humide sur la nuque fait un bien fou. Les bénévoles sont nombreux aux CP, et même en arrivant en groupe de 3 ou 4 coureurs, nous sommes servis immédiatement, toujours avec sourires et encouragements.

Une descente agréable nous amène dans l'Ancienne Corinthe (CP N°26, km 93,0), le site est magnifique avec ses ruines et la montagne en arrière plan. Cette fois, l'arrêt sera bref, je change juste de ceinture porte bidon. Alain m'annonce que le prochain point d'assistance est dans seulement 9 km, il m'annoncera toujours la distance du prochain point où il me retrouvera, ce qui s'avérera important sur le plan mental car cela constituera à chaque fois un objectif accessible pas trop éloigné dans le temps.

J'ai désormais en ligne de mire le passage aux 100 km au CP 28 que j'avais atteint en 10h28 il y a 2 ans, je devrais y parvenir un peu plus tôt cette année, mais surtout plus frais, sans aucune douleur musculaire, et avec des pieds toujours intacts. La route est assez peu vallonnée et agréable, beaucoup d'oliviers et aussi des arbres fruitiers. J'ai maintenant pris un rythme de croisière à l'économie, l'objectif étant maintenant d'arriver dans un bon état à mi-course, au début de la nuit.

Il a toujours une grosse ambiance au CP N°28 à Assos, c'est la fête annuelle du village, avec un orchestre. Comme dans pas mal de village traversés, les enfants demandent aux coureurs d'où ils viennent, et je signe même quelques autographes (certains tiennent même un cahier avec le numéro des coureurs et font une collection, j'imagine qu'ils regardent ensuite si les coureurs qu'ils ont vus sont bien arrivés à Sparte). Une nouveauté est qu'un tapis de chronométrage a été installé, j'ai un peu plus de 20 minutes d'avance par rapport à 2013 : 10h07'10'' (50e). Après Assos situé non loin de la Mer Ionienne, la route prend la direction du sud ; le CP suivant arrive rapidement (km 102,1) : changement de ceinture, il fait encore assez chaud mais il y a davantage d'ombre. Le prochain point d'assistance est au CP N°32 à Haklion, 11 km plus loin.

La route monte désormais assez régulièrement, une pente relativement douce, qui autorise la course la plupart du temps à ce stade où les facultés physiques et mentales ne sont que peu entamées. Je suis rejoint par Mohamed -je croyais qu'il était devant mais il a du passer plus de temps que moi à Corinthe-, nous allons faire une quinzaine de kilomètres ensemble en reprenant d'autres coureurs.
J'aime bien cette fin d'après-midi où la température baisse doucement, d'autant plus que l'on gagne un peu d'altitude. La progression est naturelle, sans effort excessif. Les oliviers font davantage place aux vignes et nous arrivons assez vite à Halkion (km 112,9) où le CP est en haut d'une belle petite bosse. Je vais laisser là mon bidon additionnel qui a bien servi, ainsi que ma casquette car le soleil est désormais bas. Alain me donne ma frontale, car il risque de commencer à faire nuit un peu avant d'atteindre le point d'assistance suivant. Pour le moment, j'allume seulement les leds rouges clignotants que j'ai fixés à l'arrière histoire d'être vu par les véhicules arrivant dans mon dos. L'américain Andrei Nana est assis à ce CP et semble dans en forme moyenne. C'est aussi par ici que je suis rattrapé par l'Allemand Stu Thoms, vainqueur il y a 3 ans, il va un peu plus vite que moi et je ne veux pas me mettre en surrégime pour le suivre.

En fin d'après-midi, vers le km 110
Je repars pour les 10 km et quelques me séparant de Némée, 2e gros CP après Corinthe, et marquant la mi-course kilométriquement parlant, mais ans doute à peine un quart de l'effort total au niveau du ressenti. L'essentiel est désormais de continuer à bien progresser tout en m'économisant afin de garder un maximum d'énergie au moment où j'entrerai dans le dur, et le plus tard sera le mieux !
La route s'élève toujours en douceur et la nuit tombe relativement vite, mais le ciel encore dégagé et la pleine lune font que la luminosité reste suffisante pour courir ; je sais que ce moment est un des plus agréables de la course, et j'en profite pleinement. Le temps passe toujours relativement vite, il ne me semble pas courir depuis un peu plus de 12 heures maintenant. Alain arrive à ma hauteur et me demande si je n'ai besoin de rien lors de mon arrêt à Némée, comme je suis bien je réponds spontanément « non », mais à peine a t-il mis le pied sur l'accélérateur que je me ravise, me disant qu'arrivé à mi-course, et la chaleur tombée, une petite binouze serait la bienvenue, et je hurle « une bière ! ». Ouf il a entendu ! Les quelques kilomètres restants, toujours en légère montée, s'égrènent toujours dans la facilité, nous entrons dans Némée où on sent bien l'odeur du vin pressé. C'est le dernier CP où je m'étais plus ou moins fixé une heure de passage (20h, soit 13h de course), j'y parviens toujours avec une petite avance en 12h51'36'' (45e). Alain est fidèle au poste, une chaise m'attend, je n'ai plus qu'à m'asseoir et à attendre ma commande !

Némée (CP 35, 123,3 km) – Mountain Base (CP 47, 159,5 km)

Relaxation en attendant ma bière...
Alain avait demandé aux bénévoles du CP de mettre ma bière au frais en m'attendant (étant bilingue français – Grec, cela a grandement facilité la satisfaction de mes envies), par contre il n'arrive pas à mettre la main sur un décapsuleur (à rajouter dans la liste du matos pour la prochaine fois...). Je lui dis de prendre son temps, et j'en profite pour faire un peu de relaxation, mais je n'ai pas le temps de m'endormir que ma bière blanche est servie ! Un véritable bonheur après une journée de boissons énergétiques (j'alterne désormais sucré et salé), bananes, et autres biscuits. Je me contenterai de la moitié, ça n'est pas l'envie qui fait défaut, mais j'ai la pêche et je suis motivé pour repartir... Prochain point de rendez-vous : le village de Malendreni (CP N°40) dans un peu plus de 16 km.



À la sortie de Némée la route redescend un peu, la nuit est bien installée, la température est douce. J'ai une demi-heure d'avance par rapport à 2013, mais je ne m'en souviens plus. Je me rappelle juste que deux ans plus tôt c'était par là que j'avais eu un gros coup de moins bien. Au contraire je suis très bien, et même de mieux en mieux ; un seul petit soucis : le GPS de ma montre est vraiment très imprécis (mode ultratrac), et surestime les distances de facilement 10%, je n'avais pas eu ce soucis à Chavagnes, c'est mort pour avoir une bonne trace GPS, du coup pour mon Cyrano, je passe plutôt en durée : 40 secondes à une minute de marche toutes les 10 à 12 minutes.

La route remonte bientôt, toujours en pente douce, pour bientôt faire place à une section de quelques kilomètres sur un chemin de terre. En 2013 ; ce chemin m'avait alors paru assez pentu, avec des dévers et des cailloux partout qui en voulaient à mes pieds déjà affaiblis par des ampoules. J'appréhendais un peu cette section avec mes chaussures routes assez légères. Or rien de tout cela cette année (ce chemin aurait t-il été refait entre temps?) : je me rend à peine compte que je ne suis plus sur le bitume, et je joue à toujours me placer là où c'est le plus lisse. Cela fait un moment que je fais le yoyo avec un coureur Italien dont les deux suiveuses (ou suiveurs, car la passagère du véhicule, qui en descend souvent pour encourager son coureur -Andrea Zambon je crois- n'est autre que « Brouno », les Français présents en Grèce comprendront...). La voiture fait des sauts de puce, quasiment pas besoin de frontale avec les phares.

Au bout de ce chemin se situe le dernier CP avant Malandreni, puis une belle descente de 4 km pour bien 300 m de D-. Et là ce n'est plus la grande forme mais carrément ce qu'on appelle « la zone », et ça n'est que la seconde fois que ça m'arrive, la première c'était il y a 6 ans lors de mon premier -et seul- marathon sous les 3 heures : sensation de grande facilité, impression que le corps court tout seul, comme une dissociation. C'est vraiment un moment d'euphorie unique (ça n'a du durer que quelques minutes) et rare qui à lui seul pourrait justifier des centaines d'heures d'entraînement.

L'atterrissage se fait en douceur, et je suis toujours très bien quand je pénètre dans les ruelles tortueuses de Malandreni. Le CP 40 (km 139,8) est situé dans une taverne très animée où une chaise m'attend avec un premier café que j'avais commandé lorsque Alain m'avait dépassé. Je compte bien me limiter à 4 cafés sur la course cette année. Alain me dit aussi que Christian navigue environ 45 minutes devant moi depuis pas mal de temps, et que du coup il arrive aux CP d'assistance avant que Christelle n'en reparte ; je pensais qu'il avait bien plus d'avance, et cela me donne une motivation supplémentaire s'il en était besoin. Le prochain point d'assistance n'est que dans 8 ou 9 km, et je ne traîne pas, autant profiter de ma forme pour bien avancer, je sais que ça ne va pas durer indéfiniment...

Après Malandreni, c'est globalement en faux plat montant jusqu'au pied de la montagne. Je sais qu'il convient de ne pas se griller ici, mais j'avance toujours sur un bon rythme en reprenant quelques coureurs. Quelques nuages commencent à cacher la lune par intermittence, nous sommes dans la vallée, et il fait toujours très doux, et je suis bien dans ma bulle, tous les voyants sont encore au vert : muscles, tendons, pieds, digestion, énergie, fatigue, mental, … Je ne me préoccupe pas trop de ma vitesse, je me contente de courir sur un rythme relativement confortable.

Juste avant d'entrer dans Lirkia (CP N°43, km 148,3) où m'attend Alain, on prend une route sur la droite, direction la montagne. Il y a 2 ans, le marquage au sol laissait à désirer, j'avais du scruter attentivement les marques pour ne pas faire un « tout droit », et j'avais même prévenu une voiture suiveuse d'aller chercher des coureurs qui s'étaient trompés. Là le marquage a été refait, plus moyen de se tromper. La côte pour atteindre le centre du village et le CP me semble aussi moins raide, mais quand même trop pour courir, mais ça faisait assez longtemps que je n'avais pas marché outre mes phases de Cyrano.
Je ne sais plus trop ce que j'ai pris à Lirkia, sans doute rien de spécial, à part le changement habituel de ceinture, et je n'ai pas traîné non plus ; j'ai même assez hâte de parvenir à la montagne. Le prochain CP d'assistance sera justement le fameux N° 47 « mountain base » dans 11 km, mais avant il y a une route montant en lacets longue de 7 km environ pour 500 m de D+.

Je me sens toujours bien sur la portion de plat, puis de faux plat précédent ce col, et j'y dépasse encore quelques coureurs, dont Ariel juste avant d'attaquer la côte. Au début, je tente d'alterner trot et marche, mais ça me semble trop dur, et je passe en marche rapide. Au début ça avance plutôt bien (je ne vois plus personne derrière moi, mais beaucoup de coureurs n'allument pas leur frontale), puis ça commence à être dur et je souffle, et il me semble alors que je fais pas mal monter le cardio. Je ne vois personne devant moi, même en regardant les lacets au dessus, alors qu'en 2013 j'avais bien vu une douzaine de coureurs dans cette côte, c'est étrange comme les coureurs s'agglutinent parfois, souvent inconsciemment. Je sais qu'il y a encore un CP avant le 47 et qu'il est situé dans un virage à gauche, mais ça fait déjà 2 virages à gauche et rien...Il n'y a pas de marques au sol, mais c'est normal, il n'y a qu'une seule route, premier moment de solitude sur la course. Cette montée me semble plus longue qu'il y a 2 ans, ça sera un des rares passages où il en sera ainsi. Heureusement, le CP est là au virage suivant, ça fait du bien de voir des bénévoles, j'hésite à prendre un café, mais non car je sais qu'Alain doit en avoir un de prêt au 47. Mais toujours pas de coureur en vue.

Je commence à avoir chaud, j'hésite à ralentir ma marche, mais, me disant que le prochain arrêt sera assez long vu que je dois me changer, je préfère insister pensant que cette pause me permettra de récupérer rapidement. Je croyais que le CP N°47 était plus proche du 46, mais c'est la même chose que pour le 46 : il y a toujours un virage et il n'arrive jamais, je commence à être bien entamé. Je regarde l'heure et ça me motive car je suis sur une base d'à peine 18 heures aux 100 miles (soit pile la qualification garantie pour le Spartathlon).

Enfin, je passe sous l'autoroute, et bientôt le CP 47 est en vue, je mets même un point d'honneur à recourir 100 mètres avant. Arrivée au CP N°47 en 17h42'24'' (35e). Ma chaise est déjà prête, et je m'affale littéralement dessus ; c'est au tour d'Alain de jouer, c'est ici qu'il a le plus de chose à faire, mais il a sa checklist pour ne rien oublier !

Mountain Base (CP 47, 159,5 km) - Tégée (CP 60, 195,3 km)

Une soupe à la température idéale arrive rapidement, c'est un régal ! J'enlève mon t-shirt manches courtes (il ne faisait pas trop frais jusqu'ici, il est à peine 1 heure du matin), et j'en enfile un à manches longues, puis un coupe-vent sans manches (pas assez froid pour celui avec les manches). Bien sûr il faut également enlever et remettre la ceinture porte-bidon ainsi que le porte-dossards. Puis on s'occupe du changement de chaussures, mes Noosa Tri ont été parfaites car je n'ai pas mal aux pieds, et je ne sens aucune ampoule, le changement de chaussettes est donc inutile. Il me faut pas mal de temps pour lacer les chaussures (les GT2000), car je veux serrer ni trop ni trop peu, et en me penchant, j'attrape une crampe au diaphragme, ce dont j'ai l'habitude dans ce genre de situation, ça fait très mal mais c'est réglé en 10 secondes avec une respiration ventrale. Alain enlève refixe la puce (ça serait con d'oublier, mais c'est sur la checklist). Je bois un second café ainsi qu'une deuxième dose d'Adiaril pour le sodium (aux ¾ cette fois je crois, ça me semble moins dégueu cette fois). Alain change les piles de la frontale par sécurité, il stresse un peu et je lui dis de prendre son temps, en profitant pour me relaxer un peu. Je mets un bandeau ainsi que des gants fins. Avec tout ça l'arrêt est assez long et je commence à avoir froid ; voyant que je suis en boxer, je pense alors que j'ai un collant de dispo que je demande à Alain, et malgré l'ouverture prévue en bas pour les enfiler sans ôter les chaussures, on met du temps pour y parvenir. Toute cela a bien du prendre une douzaine de minutes, et il est grand temps que je reparte !

Après une pause aussi longue, il me faudra un peu de temps pour reprendre le fil de la course. À la sortie du CP, on prend direct un sentier de montagne (320 m de D+ en à peine plus de 2 km). J'ai vraiment du mal, je glisse deux ou trois fois vers l'arrière, il faut dire que ce ne sont pas des chaussures trail, et en plus elles ont plus de 2 000 km (elles ont d'ailleurs fait l'intégralité du Spartathlon 2013). Mais petit à petit, ça va mieux et je me remets dans un bon rythme de marche relativement rapide vu la pente, et je trouve de bons appuis. Par contre, j'ai de plus en plus chaud, en fait il ne fait pas froid et très peu de vent. J'ôte bandeau et gants, et je regrette déjà d'avoir perdu du temps à mettre le collant. La montée est suffisamment éclairée, mais moins qu'il y a 2 ans me semble t-il. Je suis maintenant beaucoup mieux que dans les lacets avant d'arriver au CP 47, et la pente me semble de moins en moins raide.

Je parviens assez rapidement en haut au CP N° 48 (sommet du parcours à 1 060 mètres d'altitude). J'hésite presque à laisser gants, bandeau et collants là, vu qu'il ne fait guère plus frais qu'en bas, mais vu que j'ai dans l'idée de tenter la descente en courant, avoir le collant en cas de chute me rassure et je trace ma route. Je n'ai vu personne lors de la montée, mais vu le temps passé au CP, j'imagine que 2 ou 3 coureurs ont du me dépasser pendant que j'étais à l'arrêt. Contrairement à 2013 où je me suis contenté de marche rapide pour ne prendre aucun risques, je parviens assez facilement à courir dans cette descente qui est un peu plus longue que la montée mais un peu moins pentue pour le même dénivelé. Par contre, je dois me concentrer sur le chemin sans lever les yeux, mais il y a des éclairs dans le ciel, et j'entends le tonnerre au loin. Le chemin est plus large, recouvert de cailloux plus ou moins gros, un peu style pierrier. Les sorties sur des chemins parfois similaires en Crète s'avèrent bénéfique au niveau de la confiance, et même si je ne vais pas très vite, je suis assez détendu, je rattrape tout de même une ou deux glissades, mais je ne me fatigue pas plus que si je marchais. En 2013 j'avais été doublé par 2 coureurs au moins, là je vais en dépasser 3, tous en marche plus ou moins lente, dont deux Japonais dont ce n'est pas vraiment la spécialité !

J'arrive donc assez vite en bas pour retrouver le bitume et le village de Sangas où ce situe le CP N°49. Là, comme à certains autres CP situés entre les CP d'assistance assez distants l'un de l'autre, je recharge tranquillement mon bidon à l'aide d'un sachet de boisson énergétique, quand soudain, une coureuse que je n'avais pas remarquée assise juste à coté vomit avec violence, j'ai juste le temps de me jeter vers l'autre bout de la table pour éviter la douche ! Je perds ensuite au moins autant de temps à ôter mon collant aidé par un bénévole, et je le laisse avec gants et bandeau à ce CP car je ne me vois pas le trimbaler jusqu'à Nestani (tant pis si ensuite j'ai froid, car c'est mon seul collant). Tout est très bien organisé, et je retrouverais mes affaires à Sparte le dimanche.

Là encore j'ai un peu de mal à reprendre la course, et je gerbe à mon tour un peu plus loin (c'est communicatif), mais juste un peu, sans doute car je m'étais un peu trop alimenté avant. Un ou deux coureurs me dépassent (ça faisait longtemps), et je cours seul mais pas trop longtemps car je rejoins la coureuse du ravito précédent repartie pendant que je me défaisait de mon collant. Ce n'est autre que l'Américaine Traci Falbo (vice-championne du monde 24H 2015 avec près de 240 km). Elle n'est toujours pas très bien, abandonnera peu après, et sera même évacuée vers un hôpital.

J'ai maintenant près de 35 km quasiment plats devant moi, je compte bien en profiter et reprendre un bon rythme pour dépasser le plus possible les 200 km marquant le début de la dernière grosse montée avant le lever du jour.

Les quelques km me séparant de Nestani au CP N°52 (171,5 km) où Alain m'attend passent relativement rapidement même si, contrairement à avant la montagne, je cours moins vite et la fatigue commence à s'installer, mais tout est OK à part ça. L'inquiétude c'est désormais la météo : alors que j'entre dans Nestani, les premières gouttes se mettent à tomber. Je passe sur le tapis en 19h47'48'' (38e).
Je prendrai une soupe et un café je crois, mais ma principale préoccupation c'est maintenant la météo. Alain demande les prévisions : juste une petite pluie semble-t-il. Comme il fait doux, je change mon t-shirt manches longues pour un manches courtes, et je remets le coupe vent sans manches. Je reprends aussi ma casquette pour me protéger de la pluie. Le prochain CP d'assistance est relativement loin (15 km), j'espère que le temps restera clément.

Juste après mon départ, la pluie va s'intensifier petit à petit, ça n'est certes pas le déluge, mais ça tombe bien, assez pour mouiller les vêtements mais les pieds restent au sec pour le moment et l'eau ne s'accumule pas sur la chaussée. C'est un secteur de la course où on peut commencer à avoir des hallucinations à cause de l'ombre des arbres causée par les frontales et les phares des véhicules, mais je n'ai vu que très peu d'animaux ou de coureurs fantômes. Par contre quelques chats dont les yeux brillent dans la nuit, un rat traversant devant moi, et même un cadavre de blaireau.

Un petit groupe de 5 ou 6 coureurs s'est constitué, dont Ariel et l'Anglaise Debbie Martin-Consani, ça avance tranquillement, je ne puise pas trop, mais je sens que je baisse doucement au niveau énergie. En fait, je n'ai pas trop de souvenirs de ce moment de la course (ce qui en principe signifie que je me traîne), je m'arrête aussi plus souvent pour uriner, pourtant je bois moins que pendant la journée.
La pluie s'arrête de temps à autre, mais pour reprendre plus forte. J'ai aussi plus de mal à m'alimenter quand il pleut plus fort, et ça repart un peu quand la pluie cesse.

Je ne me souviens plus de ce que j'ai fait au point d'assistance suivant (CP N°57, 186,1 km), mais il me semble que Christelle était encore là quand j'y suis arrivé, ce qui veut dire que Christian ne doit pas être au mieux vu ma vitesse sur les 30 derniers km. Le point positif, c'est que je retrouverai Alain dans 9 km seulement à Tégée.

Il y a maintenant de nombreuses flaques sur la route, parfois même sur toute la largeur, et je m'évertue à les contourner car mes pieds sont encore plus ou moins au sec. Par deux fois, je manque de me tromper de route, mais j'ai de la chance, car il y aura toujours un bénévole pour me remettre dans le droit chemin.
Dans cette section, je pense aller plutôt moins vite qu'en 2013, la pluie me perturbe au moins autant mentalement que physiquement. Une envie de grosse pause technique se fait pressante, il faut dire que cela attend depuis jeudi soir. Comme je ne suis plus très loin de Tégée, je décide de patienter un peu, des fois qu'il y ait des toilettes là-bas. Cela a même l'avantage de me faire accélérer un peu et je reviens rapidement sur un concurrent à la marche.

En me rapprochant, il me semble reconnaître Christian, et effectivement c'est bien lui malheureusement. Il me dit qu'il ne peut plus que marcher et que même la marche rapide est douloureuse. Je l'encourage mais ne traîne pas car je sais qu'il me rejoindra à Tégée (195,3 km) dans moins de 2 km, vu que ma pause y sera un peu plus longue... Je me souviens que j'y étais parvenu en 24H pile il y a 2 ans, là j'y suis en 23h08'51'' (35e). En fait j'ai mis le même temps à quelques minutes près depuis le CP 47. Christelle et Alain sont là, je leur dit que Christian devrait être là d'ici 5 minutes, je demande s'il y a des toilettes (j'ai également presque envie de vomir), et là miracle, Alain me désigne des WC chimiques juste en face de l'autre coté de la rue.

Tégée (CP 60, 195,3 km) – CP après Monument (CP 69, 226,7 km)

Je me précipite dans les latrines au moment où une belle averse s'abat sur nous. C'est un vrai bonheur de s'asseoir dans de vraies toilettes, j'en oublierai presque qu'il me reste encore plus de 50 bornes à effectuer ! Le soulagement est immense, je me sens tout à coup plus léger, et même l'envie de vomir s'est envolée. En ressortant, la pluie a déjà cessé, et Christian vient d'arriver, et est assis. Je prends place à coté de lui, l'appétit est revenu, je prends il me semble une soupe et un café, et repars sans trop tarder pour profiter de ce regain de forme passager, tout en souhaitant bonne chance à Christian car il lui faudra un sacré mental pour terminer en marchant ! Le prochain point de rendez-vous est dans 14 km.

J'avoue que le fait d'être à ce moment premier Français de la course flatte mon ego quelques instants, mais il ne faut pas se tromper d'objectif. Je parviens à calculer qu'il me faut parcourir les 50 km restants à 8 km/h de moyenne pour terminer en 30 heures ; à ce moment là, malgré la fatigue, les conditions météo étant redevenues correctes, et n'ayant pas de soucis majeur, ça me semble dur, mais encore jouable. Cela ne va pas durer bien longtemps. Le jour est censé se lever, mais de la brume, assez épaisse par endroits limite la visibilité, la pluie se remet à tomber, et surtout, il commence à faire bien frais. Je n'ai plus vraiment de notion d'espace ou de temps, je me souviens juste avoir franchi le cap des 24 heures de courses avec plus ou moins 201 km de parcourus, ce que j'ai estimé à partir de mon passage au CP situé un peu avant 200 km car mon GPS est inutilisable.

Ceci correspond au début de la longue montée, en fait il s'agit seulement 250 m de D+ sur 5 ou 6 km, mais à ce moment de la course, c'est un mur, d'autant plus qu'il s'agit d'une voie rapide, que l'accotement est vraiment étroit par endroits, la visibilité très faible avec de la végétation ou des rochers sur le coté, alors que des poids lourds sont lancés à vive allure projetant des trombes d'eau. La sécurité est problématique sur cette section, et ma principale préoccupation est de repérer où me jeter au cas où un véhicule passe trop près. J'essaie de marcher assez vite, mais je suis trempé et je commence à avoir vraiment froid, j'ai désormais les pieds trempés comme le reste, et cette côte qui n'en fini jamais, c'est vraiment le pire moment du parcours. J'ai aussi une légère douleur sur le dessus du pied, entre le coup de pied et le bas de la cheville, je ne sais pas ce que c'est ni qu'elle en est la cause, peut-être est-ce du à la descente e la montagne ou encore à l'évitement de flaques d'eau ?

Je ne peux vraiment pas continuer ainsi car l'hypothermie me guette. C'est avec le moral assez bas et la combativité d'un mollusque -bien que ma détermination soit intacte pour ce qui concerne le simple fait de finir- que je parviens enfin au CP situé en haut de cette montée (le N°63 je crois au km 206,4). Les bénévoles tenant ce CP ont du remarquer que je grelottais et me demandent si ça va ; je réponds que oui à part que j'ai froid et que je suis trempé. On me propose une couverture de survie, mais je n'arrive pas à m'en envelopper de façon à pouvoir courir avec. Une bénévole me propose alors son « poncho » en plastique, ce que je m'empresse d'accepter (merci à elle!). Je repars après un arrêt qui m'a paru très long, et cela va tout de suite un peu mieux, surtout avec la perspective qu'il ne reste désormais plus « que » 40 km, et aucune côte importante à gravir ; je compte toujours sur les descentes pour remonter un peu ma moyenne de ces dernières heures, même si à ce moment précis, j'ai abaissé mes velléités chronométriques à un sub-32H.

Désormais il y a 20 km de montagnes russes, toujours le long de cette fichue voie rapide, avant d'entamer la descente sur Sparte. Un semblant de groupe de 5 coureurs s'est spontanément reconstitué, je ne me souviens plus si c'est moi qui suis revenu ou l'inverse, ou un peu des deux. Il y a deux coureuses : Debbie et Ulrike une petite Autrichienne de 54 ans qui est impressionnante. Le groupe n'est pas du tout compact, et chacun avance avec sa technique, notre seul point commune st de pas mal marcher. Je reviens plutôt dans les descentes car j'ai de bonnes jambes, mais pas trop de de jus et d'envie pour me faire mal en montée, alors que pour d'autres c'est l'inverse. Je fais toujours pas mal de pauses techniques, davantage par paresse que par réel besoin, heureusement qu'avoir d'autres coureurs -ou marcheurs- en point de mire motive un peu à rester au contact. Il m'arrive même de passer en tête à la faveur d'une descente.

Maintenant l'envie d'une seconde grosse pause technique se fait sentir, cela tombe bien, le prochain CP d'assistance (N°65, 212,3 km) est proche. Je reprends du sodium, à peine la moitié, je trouve cela à nouveau très mauvais. Alain demande s'il y a des toilettes dans le coin, mais on m'indique les fourrés sur le bord de la route, ce sera chose faite 100 mètres après le CP, c'est évidemment moins pratique que les WC chimiques et je n'échapperai pas à l'habituelle crampe du diaphragme... Le prochain CP où l'assistance est autorisée (Monument) est à tout juste 10 km, la prudence est de mise car c'est par là que j'avais « implosé » en 2013. C'est par là que Juan, qui malheureusement a du abandonner assez tôt, me double (en voiture). Il descend et me tape dans les mains pour m'encourager, merci à lui !

Je suis toujours dans le petit groupe en repartant. À un moment je laisse le poncho car je n'ai plus froid. Le temps s'écoule toujours lentement mais la météo s'améliore et il ne pleut plus. Nous continuons notre jeu de yoyo. C'est par là que nous doublons Mohamed qui est à la marche de l'autre coté de la chaussée, je n'ai pas la force de traverser et me contente d'un petit signe d'encouragement. Je me souviens aussi d'un coureur qui nous a dépassés tel un bolide (il devait être lancé à 10 km/h), j'ai appris plus tard que c'était l'Américain Bob Hearn, parti très lentement et qui terminera plus d'une heure devant moi. Encore quelques montées et descentes, une fois au sommet des « bosses », j'attends de plus en plus d'être bien dans la pente pour reprendre la course, il est grand temps d'en finir avec ces côtes et je ne me préoccupe plus du chrono depuis longtemps !

Le CP N°68 (Monument, km 223,4) se repère de loin à cause de la présence dudit monument. Je ne vais pas traîner ici, j'ai hâte d'en finir ! Alain me donne notre dernier rendez-vous avant Léonidas, ça sera à 10 km du but. Je cours désormais à nouveau en t-shirt, le ciel est toujours chargé, mais le température monte.
La motivation remonte dans ce que je sais être la dernière côte du parcours nous amenant au dernier tapis avant Sparte, le CP N°69 à tout juste 20 km de l'arrivée. Je décide de m'économiser jusque là, bien décidé à « faire la descente » juste après afin de prendre définitivement ma revanche sur 2013 où j'avais été contraint à une longue et lente marche. Ce CP 69 (226,7 km) est en fait situé juste au début de la longue descente (près de 15 km pour 600 m de D-) nous conduisant à l'entrée de Sparte. J'y parviens en 28h02'43'' (37e) juste derrière l'Anglaise Debbie.

Cela faisait un moment que je n'avais plus regardé l'heure, et là divine surprise, je m'aperçois que je peux toujours « facilement » passer sous les 31 heures simplement en descendant correctement puis en marchant sur les derniers km avant l'arrivée afin d'être en forme pour profiter à fond des derniers hectomètres, j'ai même un moment envisagé le 30h30, mais tant la perspective de devoir continuer à courir sur le plat après la descente au risque de finir trop dans le dur que la référence à l'homonyme séance de VMA (j'y ai vraiment pensé en course, ça m'a même fait sourire...) me font chasser cette idée.

CP après Monument (CP 69, 226,7 km) – Arrivée à Sparte (CP 75, 246,8 km)

Dans la première partie de la descente, la pente est peu prononcée, pas assez en fait à mon goût, et cela me demande encore trop d'efforts pour faire autre chose que trottiner gentiment, je dois même me résoudre à laisser filer l'Anglaise (m'étant amusé à regarder sa cadence, j'ai enfin trouvé quelqu'un qui tournait les jambes plus vite que moi) qui terminera 5e féminine une dizaine de minutes devant moi. Il faut dire que je n'ai aucune idée de mon classement ayant donné comme consigne à Alain de ne pas me le donner car cela ne me porte généralement la poisse, et puis cette course est avant tout une compétition avec soi-même ! Le ciel est toujours chargé, et la vue ne porte pas très loin, impossible encore de voir la vallée. Nous sommes toujours sur la voie rapide, et j'ai hâte d'en finir avec le trafic pour prendre l'ancienne route à gauche, synonyme de calme et de liberté de choisis ses trajectoires. Je ne me souviens pas à quel endroit c'est par contre. En fait, il faut effectuer un bon tiers de la descente avant de bifurquer. Le temps défile tout de même plus vite que lors des kilomètres précédents : ça sent l'écurie !

Enfin nous quittons (sans regrets) la grande route pour « plonger » vers Sparte, c'est bien le mot car la pente se fait plus prononcée, et du coup ma vitesse augmente sans effort supplémentaire. Les quadriceps sont certes un peu douloureux, mais sans plus, et je pourrais même dire que sentir à nouveau mes muscles fonctionner est plutôt plaisant, j'aurais même envie d'aller plus vite d'un point de vue mécanique, mais il commence à faire chaud, je n'ai pas envie de me rentrer dedans et de prendre le moindre risque, j'ai également repris les épongeages. Je reprends un ou deux coureurs qui m'avaient distancé peu avant, et je rejoins également l'Autrichien Markus Thalmann, ancien vainqueur de l'épreuve qui va terminer son 15e avec un des ses plus mauvais chronos, mais il est très souriant, simplement heureux d'être là et m'encourage d'un « good job » !

C'est ainsi que je parviens à Voutianoi (CP N°72), à 10 km de l'arrivée où Alain me redonne le t-shirt « Team France Spartathlon » que j'ai porté du départ jusqu'à la montagne. Il est encore un peu humide mais va rapidement sécher. Je ne m'attarde pas, nous nous retrouverons bientôt à l'arrivée.

Le contraste par rapport à il y a 2 ans est saisissant, alors que je m'étais traîné durant une heure pour parcourir les 4,7 km (en descente) séparant ce CP 72 du suivant, là j'ai du mettre moins d'une demi-heure, courant sans cesse hormis une ou deux courtes portions de marche pour boire. Cet antépénultième CP marque le retour sur un terrain plat, il reste alors 5,5 km à parcourir, et en regardant l'heure, j'ai tout mon temps pour arriver avant 14h, donc sous les 31 heures.

Je n'essaie même pas de trottiner car j'ai de plus en plus chaud et préfère savourer ces derniers km tranquillement (marche rapide tout de même) en me projetant vers mon arrivée où je compte me remettre à courir dans la dernière ligne droite afin de davantage faire honneur à Léonidas qu'en 2013. Un groupe d'enfants viennent à ma hauteur pour m'accompagner, un peu déçus que je ne coure pas, ils repartent vers Sparte. L'interminable ligne droite conduisant au CP 74 passe finalement assez vite, malheureusement la grande banderole placée sur un pont et souhaitant la bienvenue aux spartathlètes n'est plus là. Après le franchissement du pont sur la rivière Eurotas, c'est le CP N°74 où il y a un tapis de chronométrage (tout coureur y passant avant 18h30 sera autorisé à poursuivre jusqu'à la statue). C'est juste là qu'Ariel me rattrape, il sera le seul à le faire car j'avais pris de l'avance dans la pente. Un dernier épongeage, et c'est reparti.

Ariel trottine, mais je le rejoins presque à la faveur d'une dernière (petite) bosse à l'entrée dans la ville. Les spectateurs se font plus nombreux et les encouragements ne vont plus cesser. Des enfants nous accompagnent à vélo ou à pied. La fatigue se fait de moins en moins sentir.
Encore une rue, Ariel a repris un peu d'avance, puis c'est le dernier virage à droite pour déboucher dans l'avenue au but de laquelle nous attend Léonidas. Il y a une grosse ambiance et cette fois j'en profite. Je suis applaudi par Angel qui a malheureusement du abandonner.

J'attends un peu avant de me remettre à courir afin qu'Ariel puisse tranquillement profiter du protocole et poser pour les photos. Je reprends la course avec une grande facilité à 300 mètres de la statue, c'est parti pour la BO de Zorba le Grec et je suis annoncé.

Alain m'encourage, il n'a malheureusement pas pu dénicher de drapeau tricolore (je n'en avais pas pris par superstition) car je suis le premier Français à arriver et, à part Angel, tous ceux ayant abandonné sont allés à l'hôtel situé en bord de mer à 50 km de Sparte. Pas grave, je me sens attiré vers Léonidas, déjà je vole sur les quelques marche menant au piédestal, je touche puis embrasse ce pied tant convoité !



Après course

Puis on me remet la fameuse couronne d'oliviers (qu'Alain s'empressera de mettre de coté pour ne pas l'égarer comme la dernière fois...), et je bois presque toute l'eau de la coupe offerte par une jeune fille, eau censée venir de la rivière Eurotas. On me remet aussi le cadeau (cette année c'est une médaille assez assez grosse figurant deux coureurs Grecs de l'Antiquité que j'offrirai à Alain en souvenir), ainsi qu'un dessin réalisé par un enfant de Sparte, chaque enfant parrainant en quelque sorte un coureur.

J'irai ensuite étreindre chaleureusement Alain car même si c'est moi qui ai couru, c'est aussi une course d'équipe, très différente de ce que j'ai pu vivre seul en 2013. Je suis aussi félicité par Kostis, le président polyglotte de L'ISA, que je remercie d'ailleurs pour l'organisation sans failles.

Je prends ensuite connaissance de mon chrono : 30h47'09'', ainsi que de mon classement que j'ignorais jusqu'ici : 36e, soit 8 places seulement de gagnées par rapport à 2013 pour près de 2 heures de moins, alors que les conditions de course étaient je pense dans la moyenne (l'humidité, puis la pluie et le froid de cette année compensant la plus forte chaleur d'il y a 2 ans), ce qui signifie que le niveau moyen augmente du fait sans doute de la plus forte sélection à l'entrée due au nombre croissant de demandes.

Puis direction le stand médical où l'on s'occupe d'abord de mes pieds : ça va, très peu d'ampoules. Par contre j'ai assez chaud, et on finira par me donner du paracétamol et aussi par précaution une perfusion pour le sodium. Mais coté état général, rien à voir avec 2013, je suis fatigué mais assez bien. Par contre le soucis c'est mon pied droit : à froid la douleur qui était légère pendant la course devient vite vive. Après diverses palpations, il semblerait que ça soit une simple inflammation et que le tendon ne soit pas touché. Par contre la douleur ne fait qu'empirer et on finit par me faire une piqûre pour que ça se calme. Une attelle thermoformable est même livrée par l'hôpital voisin pour que je puisse me déplacer en sortant. Je resterai là plus de 3 heures sans avoir faim, j'ai tout de même profité d'une bière. Je suis tout de même bien placé, car je peux voir les coureur arriver ; je verrai Andrei, Mohamed, et Christian passer au stand médical avant d'en partir et j'aurai ainsi la possibilité de féliciter Gérard et Gilles. Un grand merci à Alain pour m'avoir supporté tout ce temps et fait le traducteur avec le personnel médical ; autant je pense ne pas avoir été pénible pendant la course, autant à l'arrivée je suis une vraie chochotte !

Nous irons ensuite à l'hôtel en bord de mer où nous retrouverons les autres Français. Contrairement à 2013, je pourrai manger normalement. Malheureusement Alain devait repartir pour Rhodes le lendemain. Dimanche c'est le retour sur Athènes après le déjeuner offert par le maire de Sparte. Nous profiterons de la journée de lundi pour aller au cap Sounion (merci à Christelle et à Christian), puis c'est la soirée de clôture le soir avec remise des médailles et diplômes aux finishers, c'était dans une zone industrielle, mais le local était assez spacieux et surtout avec une vue sympa sur l'Acropole. Mardi matin, il est malheureusement déjà temps de revenir en France.

Épilogue

Avant de venir en Grèce, je comptais ne revenir au Spartathlon qu'en 2017, afin de me consacrer uniquement au marathon et au 100 km en 2016, mais il faut avouer que je pense davantage à revenir à Sparte pour tenter de faire mieux (sub-30h) que de faire 2h50 sur marathon ou un sub-8h sur 100 bornes ! De plus j'ai encore une entrée garantie pour 2016, mais rien encore pour 2017.
Je rêve toujours de faire la course parfaite en ultra, alors autant que ce soit sur la plus belle course, c'est à dire au Spartathlon.

Pour cela j'ai essentiellement 3 points à améliorer :
  • Mon mental (c'est le point principal) : il faudra me faire violence pour vraiment courir quand c'est dur (en gros les 50 derniers km cette année) et prendre quelques risques plutôt que de « musarder » en attendant que d'hypothétiques forces reviennent.
  • Mon alimentation qui est encore trop basée sur des boissons énergétiques même si j'ai un peu progressé. Je pense qu'en diversifiant plus, et avec davantage de « vraie » nourriture je pourrai avoir davantage d'énergie plus longtemps, intégrer davantage de sodium dans mes boissons aussi.
  • Ma vitesse de départ : j'avoue que c'est davantage un questionnement sur le fait de partir plus lentement qu'une certitude qu'il faille le faire. Cela part du constat que certains coureurs partant vraiment lentement ne connaissent pas de réel coup de mou (Stu Thoms ou Bob Hearn par exemple), et remontent au classement du début à la fin, alors que je ne l'ai fait que jusqu'au 160e km. Peut-être bien que le fait de partir un peu (ou beaucoup) plus lentement pourra éviter une grosse déperdition de vitesse sur la fin, ou du moins la retarder, le coté mental se trouvant ainsi facilité du fait de la moindre distance restant à couvrir « dans le dur ».
Il faudra également que je ne lésine pas sur l'équipement (prévoir toutes les conditions météo), chaussures en bon état, voire chaussures de trail pour passer la montagne (une idée est de porter les chaussures route pour les remettre juste après, et du coup pas besoin de déplacer la puce).
Il y a sans doute moyen aussi de gagner de grosses minutes aux CP d'assistance en allant à l'essentiel.

Il a tout de même eu beaucoup de points positifs :
  • Préparation à peu près idéale je pense.
  • Assez facile sur les 150 premiers km.
  • Le fait de moins m'alimenter (moins de calories au km, j'étais à 250 Kcal/10 km il y a 4 ans, je suis maintenant vers 180) : j'utilise davantage mes lipides.
  • Chaussures jusqu'à la montagne.
  • Mental certes peu compétitif sur la fin mais sans faille pour ce qui est de finir.
  • Très bon état musculaire malgré l'humidité (je pense que c'est du autant à ma foulée qu'à ma préparation).
  • Bon état des pieds (peu d'ampoules).

Je pense déjà à un 24 heures (Brive début Mai, Roche La Molière début Juin, ou encore Feucherolles fin Mai) pour tester ce que peut donner un départ très lent en termes de moindre perte de vitesse sur le dernier tiers de la course, ainsi qu'une alimentation plus variée tout en réalisant plus de 216 km, ce qui me garantirait une place pour 2017 et 2018 !

Cette année, la coupe était au 3/4 pleine, qu'en sera t'il dans un an ?