dimanche 8 juillet 2012

Ultrabalaton 2012 : Un abandon riche d'enseignements

Avant course

Arrivés jeudi en fin de journée sur place avec Juan, nous retrouvons Armand et ses charmantes accompagnatrices, Gilles et Françoise qui sont tous dans le même hôtel.

Vendredi se passe tranquillement entre préparatifs, en particulier remplissage de mes 21 sachets d'Effinov Hydraminov (un par tranche de 10 km, chaque sachet portant le N° du CP où je dois le mettre dans le bidon, le poids de chaque sachet étant calculé en fonction du nombre de km à parcourir jusqu'au sachet suivant), pulvérisation d'anti-moustiques sur les textiles de course.
Préparation également de trois "drop bags" qui seront transportés par l'organisation aux CP N°15 (km 71,0), N°24 (km 112,2), et N°35 (km 162,5). dedans j'y place les sachets d'Hydraminov nécessaires pour atteindre la sac suivant, une petite bouteille de Saint-Yorre, des chaussettes et un t-shirt de rechange. Pour le km 112,2, en vue de la nuit, j'y mets également une casquette, ma frontale, deux bracelets anti-moustiques, ainsi qu'une paire de chaussures de rechange (un peu plus grandes que celles du départ).


Nous allons également retirer nos dossards. J'avais un peu flippé car j'avais oublié d'apporter un certificat médical, et je m'étais fait envoyer un scan par mail. En fait ici point besoin d'un quelconque certificat médical, la signature d'une simple décharge (rédigée seulement en Hongrois) à signer et le tour est joué!


La température monte (dans tous les sens du terme), il fait 35°C ce vendredi et 39°C sont prévus le lendemain. Quelques bonnes bières locales sont bienvenues afin de soigner l'hydratation d'avant course!


La nuit est assez courte (réveil 3H30), mais bonne.
Je mets la tenue de départ préparée la veille: t-shirt "Running for Pearl", casquette avec voile pour protéger la nuque et lingette éponge en dessous pour mieux humidifier la tête (cela s'avèrera assez efficace), boxer et short court, chaussettes et chaussures Asics GT-2150 avec accéléromètre, ceinture porte dossard avec dossard et clé magnétique pour pointer aux CP, montre cardio, et ceinture cardio. Un peu de crème NOK aux points de frottement (mais pas sur les pieds), et pas mal de crème solaire.
Depuis quelques semaines, j'ai de nouvelles lunettes de vue à verres adaptatifs qui protègent bien du soleil tout en permettant une bonne vision nocturne, ce qui évite de changer de lunettes ce qui n'est jamais évident au niveau timing. Ces lunettes s'avéreront très efficaces.
J'ai également un bracelet avec indiqués les N°/km des CP où je dois recharger mon bidon et des temps de passages déjà ultra-optimistes par temps frais...
Enfin la ceinture porte bidon avec 2 petites poches additionnelles sur les cotés: bidon de 600mL rempli avec le 1er sachet d'Hydraminov (j'avais tenté d'ajouter un petit bidon supplémentaire mais ça ballotait bien trop), 6 sachets zip pour pouvoir être autonome en énergie jusqu'au km 71, du PQ en sachet, et un petit tube de crème solaire.


Après un petit déjeuner très léger pour moi (une pomme, deux tartines, un café + un peu d'Hydraminov menthe ensuite jusqu'au départ et bien sûr pas mal d'eau), nous descendons vers la zone de départ pour laisser nos "drop bags".


Un départ prudent


De g. à d. : Armand, Thierry, Gilles, Juan, JP, Andrei. Source : Thierry K.
Il doit déjà faire largement 20°C à 6H au moment du départ. Je suis relativement détendu aux côtés de Gilles et Juan, assez concentré aussi, mais un peu inconscient des difficultés à surmonter.


Très vite, je lève le pied et laisse filer mes compagnons dans la première côte car j'ai décidé de courir au cardio dans la journée et de me limiter à 75% FCM en pic et d'être plutôt vers 70% FCM en croisière (65% par temps frais à l'entraînement). J'espère bien les revoir en fin d'après midi ou dans la nuit...


Je rejoins assez rapidement Armand, je comptais courir un peu plus longuement avec lui mais je le perds suite à un ravito.
Les ravitaillements s'enchaînent, tout est bien rôdé: clé magnétique dans le boîtier pour pointer, puis sachet de poudre Effinov dans le bidon (un ravito sur 2 environ, comme indiqué sur mon bracelet), rempli ensuite par les bénévoles (toujours très souriants et disponibles). Je complète en buvant quelques verres d'eau et m'en mouillant la casquette, le visage, la nuque, les bras, les cuisses. Puis je repars tranquillement.


En ce début de course, je marche 45" toutes les 12' pour boire au bidon, sauf dans les côtes (assez nombreuses dans les premiers kilomètres) où je n'hésite pas à passer à de la marche rapide.
Route vers le début. Source : ultrabalaton.hu
A ce stade du parcours, la route serpente dans la campagne (elle ne rejoindra le lac que vers le 50ème), traversant charmants villages et vignobles.


Vers le 25e il y a 5 ou 6 km de passage trail que j'apprécie assez peu car empêchant une foulée rasante et relâchée. Un vélo qui a voulu suivre manque de me jeter à terre. J'ai même la curieuse sensation que ce terrain est propice à la survenue précoce d'ampoules...
Heureusement pour moi, cet épisode non asphalté ne dure pas trop longtemps.


Je discute un peu avec quelques coureurs, notamment Ciro un coureur italien et Andrei un Américain qui me laisse partir en côte légère en me disant qu'à Miami il n'y a que du plat et qu'il n'a pas l'habitude. par contre tous deux savent gérer la chaleur et boucleront brillamment ce tour du lac!


Vers 9H - 30 km. Source : Thierry K.


Mais bien trop rapide sous la chaleur...


Malgré ce départ prudent, je suis légèrement en avance sur mes temps de passage prévus (pourtant calculés pour des températures nettement inférieures)... Si jusqu'à 8H du matin j'ai maintenu ma FC proche de 70% FCM, dès 8H30 ça commence à bien taper (vu la longitude en Hongrie par rapport à la France, ça équivaut à 10H en France). Au lieu de commencer à ralentir un peu, vu que je suis très bien, aucune sensation de  (heureusement à ce stade!), je décide de laisser aller vers les 75% FCM et même un peu plus en pic...


Au bord de la route, il y a quelques points d'eau en plus des ravitaillements officiels, ce sont des pompes à bras de couleur bleues aisément repérables car il y a du monde autour. cela fait du bien de boire un peu et de s'éponger.
Une accompagnatrice vélo me donne même quelques glaçons que je mets sous la casquette et dans le bidon, c'est super sympa!


Le parcours est assez agréable hormis quelques rares passages proches de routes avec de la circulation, les jambes tournent toutes seules, la digestion est impeccable, je m'hydrate bien avec un petit pipi clair mais pas trop environ chaque heure. Bref tout baigne, je me sens bien au frais sous la saharienne avec l'éponge humide sur la tête, j'ai même une dizaine de minutes d'avance sur mes temps et avec 10/15°C de plus au thermomètre!


C'est dans cet état d'esprit que je rejoins Gilles et Juan un peu après le passage du marathon (en 4H15 environ). Gilles nous laisse sagement filer devant (il marchera de plus en plus à mesure que le soleil monte et que l'ombre s'amenuise comme peau de chagrin)...


Bien sûr je ne m'éternise pas et continue à trotter bon train avec Juan en point de mire (pendant pas mal de temps, sur 20/25 km j'arrive juste au ravito juste quand il en repart), et je remonte des paquets de coureurs sans forcer. Je sens tout de même que j'allonge imperceptiblement la foulée juste pour rester au contact visuel de Juan, pourquoi n'ai je pas continué sur mon rythme un peu moins rapide à ce moment là et laisser filer quelques minutes?


A un moment il y a une superbe vue sur le Balaton qui barre le paysage, on ne voit l'extrémité du lac ni à droite (vers où on se dirige), ni à gauche, et pourtant le lac est assez loin... Comme le moral est au top, cela m'amuse plus qu'autre chose de voir tout ce qui reste à accomplir!
Après un profil maintenant globalement descendant, la route (essentiellement de la piste cyclable désormais) rejoint le bord du lac vers le 55ème km.


A midi, pour m'économiser (plus aucune ombre, on doit bien avoir dépassé les 35°C), je décide de doubler mon temps de marche, soit 45" toutes les 6 minutes, c'est une bien faible concession au feu d'un soleil maintenant à son zénith...
Maintenant, à chaque ravito où je ne recharge pas en poudre, je complète le bidon à moitié vide avec de l'eau fraîche, ce qui me permet de boire davantage entre deux CP.


Je rattrape finalement Juan quelques kilomètres avant le CP N°15 (Keszthely) où nous retrouvons Françoise ainsi que nos sacs. Je me mets à l'ombre en restant debout. Je bois de la Saint-Yorre que j'avais mise dans le sac, je range mes sachets de poudre Effinov dans ma ceinture, et je remplis le bidon avec le reste de la Saint-Yorre et quelques glaçons. Au niveau des ravitaillements, c'était un peu léger (moins bien que l'an dernier d'après Gilles). Ne consommant que ce que j'emportais avec moi, cela ne m'a pas affecté, hormis le fait que je n'ai jamais vu la moindre eau gazeuse, pourtant bienvenue sur tout ultra couru par temps chaud! Pour le moment je tourne essentiellement avec de l'Hydraminov menthe alterné avec un peu d'Hydraminov agrumes (qui s'est avéré très désaltérant avec la canicule).
J'en profite aussi pour remettre une bonne couche de crème solaire à fort indice de protection, mais je n'utilise pas mes chaussettes de rechange... Cet arrêt ombragé et bien agréable aura duré 8 bonnes minutes.


Coup de chaud


Je repars tranquillement histoire d'attendre Juan qui prend un peu plus son temps au ravito, et quand il me rejoint, nous reprenons mon rythme de 5'15"/45" tout en essayant de se caler avec les rares zones ombragées pour y marcher.


J'ai fait une belle erreur au CP N°15, je ne me suis pas aperçu que je n'avais rempli qu'à peine la moitié du bidon avec la Saint-Yorre (évidemment l'eau gazeuse ça mousse, et faut déjà pas être trop lucide pour espérer remplir 600mL avec une bouteille de 500mL à moitié vide...). Vu la concentration et la température du liquide restant dans le bidon c'est quasiment imbuvable, les 5 kms jusqu'au CP N°16 seront longs quasiment sans boire, je pense qu'à ce moment de la course cela n'a pas arrangé les choses...


C'est par là que Juan a un coup de chaud et me dit de faire ma course. Après avoir un peu hésité, je poursuis sur mon rythme, alors que marcher un peu à ce moment m'aurait sûrement fait le plus grand bien tout en soutenant un ami...


Comme il y a une morale, c'est mon tour seulement 4 km plus loin! Il est presque 15H maintenant, la chaleur doit être à son maximum (40°C) tandis que les ombres ne s'allongent toujours pas.
Tout à coup, je me sens bizarre, je ne sens pas grand chose, mais je vois mes pieds partir en zig zag... Je suis encore assez lucide pour me mettre immédiatement à marcher. Heureusement le CP suivant (N°17, km 83,8) n'est qu'à 1,5 km que j'atteindrai en un petit 1/4 d'heure de marche soutenue.


Et là, au lieu de me poser tranquillement à l'ombre pour faire baisser la température et me relaxer, je repars sous le cagnard au bout de 3 petites minutes, bien décidé à marcher assez vite jusqu'en fin d'après midi, pour ensuite reprendre la course à la faveur de l'ombre et de la baisse de la température. C'est amusant de constater qu'à ce ce CP, j'étais pile dans mes temps calculés, alors que vu la chaleur, j'aurais dû arriver là une heure plus tard (tiens juste comme Gilles...).

Surtout de la marche rapide sous le cagnard


Malgré ce coup de massue, mon moral est intact, je décide de me muer en marcheur (je balance même les bras latéralement) pendant 3 heures jusqu'à 18H (j'ai décrété qu'à 18H il fera moins chaud pour pouvoir courir...). J'ai en tête de perdre le moins de temps possible sur les barrières horaires (en fait ma moyenne horaire à cette période reste encore supérieure au minimum requis et j'ai bien déjà 2 heures de marge...). Je marche à 6,5 voire 7 km/h et je profite des quelques passages ombragés pour recourir un peu (en fait j'ai couru davantage que je ne le pensais sur le moment car le temps passe plus vite en courant), surtout pour me relaxer musculairement.


Je comprends aussi que je dois avoir de bonnes ampoules car ça picote dans les pieds au gré des changements d'appuis...
Je m'attends à tout moment à voir Juan revenir sur moi (en fait il est 1/4 d'heure derrière et progresse à la même vitesse, c'est bête...).
Amusant aussi de constater que durant ces 3 heures, je n'ai été dépassé que par 2 concurrents!


C'est aussi à ce moment là que je pense gérer sagement ma course, alors que je continue à aller à ma perte, certes un peu moins vite.
Je suis assez bien dans ma bulle, le parcours est sympa, certes écrasé de chaleur (le goudron fond par endroits). Une caractéristique de ce tour de lac, c'est que le soleil est toujours de dos. C'est certes agréable de ne pas l'avoir dans les yeux, mais je ne pensais plus la même chose en passant sur une route bordée d'arbres mais dépourvue d'ombre!


Une bonne partie du parcours est en zone pavillonnaire (résidences secondaires essentiellement). Il y a de rares points d'eau improvisés, et c'est agréable de se faire arroser à la douchette par les riverains (même si cet énorme choc thermique n'est sans doute pas très bon pour l'organisme), cela permet de bien courir 2 ou 3 minutes avant que ça ne sèche complètement.


Pile au 100ème km, se trouve un CP (le N°21) où je passe en 11H27' (là encore ultra rapide vu la chaleur, mon niveau, et les 112 km restant...). Les ombres commencent à s'allonger, plus que 30 minutes à marcher. Il y a des sections assez longues le long de la voie ferrée qui fait le tour du Balaton. Je serai d'ailleurs stoppé une fois quelques minutes à un passage à niveaux. 

Reprise de la course à 18H


Après le CP N°22 (km 103,1) et après avoir traversé la voie ferrée de justesse en courant avant le passage d'un train (à la demande du garde barrières), il est l'heure de me remettre à courir, ce que j'attendais impatiemment.
Cela fait du bien mentalement, je passe en 5/1 car c'est plus simple pour compter que 5'15"/45" (j'arrive encore à ajouter 1 ou 5). Je marche aussi une ou deux minutes après chaque CP, et dans les faux plats un peu prononcés.


Même s'il y a davantage d'ombre et que la température a un peu baissé (et encore le bitume irradie bien ce qu'il a emmagasiné toute la journée), je trouve tout de même étrange que ma FC ne soit guère plus haute qu'à l'entraînement par temps frais (je reste nettement sous les 70% FCM à 10/10,5 km/h alors qu'il doit toujours faire 35°C) et surtout bien plus basse qu'en début de course, et que j'urine assez souvent et très clair...


Mais mis à part cette sensation bizarre de courir dans une zone inexplorée de mon organisme, ainsi que mes pieds qui "lancent" un peu à chaque choc inopiné, je progresse bien, et je recommence à remonter des coureurs plus ou moins mal en point (il y aura toujours un mot d'encouragement de part et d'autre, parfois un suiveur vélo tente d'engager la conversation, mais pas facile en Hongrois).


Le moral qui était déjà très correct remonte encore quand je passe la mi-course (CP N°23, km 106,5) à 18H22. Je sais que mon 2ème sac est au CP suivant, je compte bien y faire un arrêt de 7 ou 8 minutes avant de repartir de plus belle.

Un long arrêt mal géré au CP N°24 (km 112,2)...


BalatonBoglar (CP N°24, km 112,2). Source: ultrabalaton.hu
 J'arrive donc à BalatonBoglar, le plus gros CP de la course à 19H05 (que 45 minutes de retard sur le plan initial, cool!). Ce CP marque la bascule réelle de la seconde partie du tour du lac, et le début du décompte des 100 derniers kilomètres.


C'est là que j'ai mon plus gros "drop bag". Je ne sais pas trop pourquoi, mais je décide de rester debout alors qu'on me m'apporte une chaise pour m'asseoir.
C'est donc debout que je déballe mon sac. Après avoir vidé la Saint-Yorre, je me surprends à avoir du mal à classer mes sachets d'Hydraminov (pour les empiler dans l'ordre inverse des N° dans la poche afin de les sortir dans l'ordre ensuite). Pour la prochaine fois, je mettrai un élastique! Tout ça c'est n'est pas très bon signe au niveau lucidité.
Je change également de casquette et je positionne ma frontale sans l'allumer car il est loin de faire nuit (système de fixation à améliorer), je mets mes bracelets anti-moustiques: un au poignet, l'autre à la cheville opposée (ça + la pulvérisation du maillot a dû être efficace car je n'ai jamais été importuné ni en course ni à l'arrêt ce qui ne semble pas avoir été le cas de tout le monde).
Reste le cas des chaussures: je change ou je change pas. J'ai le pressentiment que si je change et que je regarde l'état de mes pieds je ne repartirai pas alors que tout va plutôt bien par ailleurs! Je décide donc de faire l'impasse et de continuer comme ça


J'ai la sensation d'avoir passé 6 ou 7 minutes à ce CP, en fait c'était plus de 11'30", tout ça debout, quelle perte d'énergie inutile!


Mais je repars gonflé à bloc sous les applaudissements bien décidé à continuer sur ma lancée...

Je m'enflamme au début de la nuit


Et c'est ce qui se passe. Maintenant que le soleil est bas sur l'horizon, j'ai une trompeuse impression de fraîcheur alors que l'asphalte irradie beaucoup de chaleur. Mis à part mes pieds (je ne préfère pas y penser), je me sens plutôt bien, j'ai comme d'habitude un bon pic de forme le soir et en début de nuit, alors autant en profiter pour "envoyer" un peu avant d'avoir à gérer la baisse de l'allure en luttant contre le sommeil plus tard dans la nuit.

J'allume la frontale vers 20H30 au CP N°26, plutôt pour être vu que pour voir d'ailleurs, car la luminosité est encore excellente, et de toute façon, la majeure partie du parcours se situe dans  dans des zones relativement bien éclairées.

Je trouve le parcours agréable, passages fréquents en bordure de lac, dans des stations balnéaires où les touristes dînent en terrassent, pistes cyclables bordées d'arbres, zones pavillonnaires plutôt luxueuses.
Les coureurs sont souvent encouragés, par les riverains, mais surtout par les nombreux cyclotouristes.

A ce stade de la course, je recommence à faire du calcul mental, et je me dis que je peux vraiment arriver le lendemain matin avant qu'il ne refasse trop chaud, pourquoi pas en 26 heures, ou au pire 27 heures, soit 9H du matin.

Je tourne toujours en 5'/1', mais je me surprends parfois à courir une dizaine de minutes d'affilée, en fait plus je vais vite et moins je marche, plus c'est confortable pour mes pieds. Aux intersections je m'applique à suivre le fléchage au sol, discret mais toujours bien visible.
Je ne vois plus beaucoup de coureurs (pas toujours évident de savoir qu'on double un coureur car il n'est pas forcément entrain de courir ou de marcher sur le parcours à ce moment là), et je demande même à un CP combien il y en a devant, on me répond environ 20 (mais ça doit inclure les relais à deux partis en même temps que les solos).
Je m'applique toujours à bien me ravitailler (l'Hydraminov passe vraiment bien au niveau à la fois gustatif et digestif, mais peut-être n'est-il déjà plus totalement assimilé?), à boire pas mal, et à m'éponger. Par contre, alors que je bois plutôt moins qu'au plus chaud de la journée, je commence à pisser plus souvent, en plus grande quantité, et très clair. Ma fréquence cardiaque me semble aussi plafonner bien bas compte tenu de la chaleur toujours bien présente (FC largement sous les 70% FCM à plus de 10 km/h). Tout ça m'inquiète un peu, mais sans plus, car j'avance et je n'envisage pas de ralentir autrement qu'à cause de la lutte contre le sommeil plus tard dans la nuit (toujours les références du 24 heures en mémoire).


Je ne suis ralenti que quand il y a des portions trop sombres avec un revêtement défoncé, je préfère y marcher ou trotter doucement en levant les pieds, car le moindre choc me fait déguster au niveau des pieds.

Puis quelques missiles lancés dans la nuit me dépassent, lancés au double de ma propre vitesse, et accompagnés d'un cycliste qui me lance quelques mots d'encouragement en Hongrois; ce sont les premiers des relais à 10 coureurs, partis de Tihany à 14H.


Ma préoccupation principale c'est maintenant de procéder à une "pause technique" plus conséquente, ce qui après 17H de course est somme toute naturel. J'ai prévu le coup avec du PQ dans des sachets zip, mais... ça fait quelques kilomètres que la zone est éclairée comme en plein jour avec des résidences en continu sur les cotés, des gens qui rentrent chez eux, d'autres qui discutent ou sont dehors pour un BBQ, ...
Mon envie se fait pressente, j'envisage de demander l'accès aux toilettes au prochain riverain que je croise, quand je découvre enfin un petit coin un peu isolé et sombre.



Je me sens tout de suite plus léger ensuite, et je peux repartir de plus belle! J'arrive au CP N°32 (km 148,8) juste après minuit (il faisait encore 26°C à ce moment là), les 26H sont toujours jouables: facile il va faire encore plus frais, 8 km/h de moyenne jusqu'au bout c'est possible. C'est peu après que je commence à ressentir une certaine fatigue, mais quoi de plus normal, il suffira de prendre un café un peu plus loin, sans doute au CP N°35 où j'ai placé mon dernier sac et qui doit être un ravito important et bien achalandé.


Et j'explose (ou implose ?) en un instant


Cela arrive quelques minutes à peine après avoir passé le CP N°33 (km 152,2). C'est un peu comme le mur sur marathon, au sens que c'est arrivé d'un coup, en l'espace de quelques secondes. Pour le reste ça na rien à voir car je n'ai pas plus mal aux jambes, juste que c'est totalement impossible de recourir, énergie à plat, et pourtant j'ai continué à m'alimenter en continu, c'est plutôt que depuis un moment plus rien ne doit être assimilé.

Pour me traîner et jeter l'éponge au CP N°35 (km 162,5)


Je n'ai jamais encore connu cette situation de totale impuissance. Je décide de poursuivre jusqu'au CP suivant qui n'est qu'à 2 km. A ce stade je ne m'affole pas et je parviens encore à tenir le 5 km/h. Au CP N°34 (km 155,5), je ne m'attarde pas, et me fixe comme objectif d'aller jusqu'au CP suivant qui est à... 7 km!
Le soucis, c'est qu'à peine 1 km plus loin, je baisse encore de régime, j'ai du mal à tenir une allure de marche fort modeste de 4 km/h, je regrette déjà ne pas avoir abandonné au N°34, je pense même faire demi tour et le seul truc qui m'en empêche c'est de me dire que le N°35 doit être mieux équipé pour accueillir les naufragés comme moi.
Mes doigts ont gonflé et sont violacés, chaque tentative de trot poussif pour parvenir un peu plus vite à la quille avorte au bout de deux pas. je ne fais que calculer le temps restant pour parvenir au N°35, largement plus d'une heure vu ma vitesse baisse encore, tendant asymptotiquement vers zéro (paradoxe de Zénon -ou assimilé-, vais-je finir par l'atteindre...?).


J'économise mon bidon (600mL pour 1H ça passe, pour 2H c'est dur...), je m'arrête quand même pour pisser de temps en temps, je pince ma peau, c'est sec. Une première voiture s'arrête pour me demander si ça va, je dis OK. Un "coureur" me dépose littéralement (il doit bien marcher à 5 km/h lui!).
Une 2ème voiture m'interpelle, là je demande de l'eau, sympa je reçois une bouteille de 500mL.


Vu que mon accéléromètre s'est avéré très précis (même en mode marche), je sais à 200m près ce qui me reste, c'est le décompte minute par minute, 100m par 100m (ça a le mérite de me garder un peu de lucidité, j'ai souvent envie de me poser simplement sur le coté de la route), mais sans aucun plaisir. Je parviendrai à remarcher un poil plus vite sur le dernier km histoire d'abréger un peu mon calvaire.

Enfin le CP tant attendu est en vue. Juste après avoir pointé, j'annonce que j'abandonne. Les bénévoles me disent que j'ai le temps, que je suis bien classé et m'incitent juste à m'alimenter puis à m'allonger pour me reposer.
Mais j'ai déjà écarté depuis longtemps toute idée de repartir, même s'il ne reste "que" 50 km, et plus de 10 heures pour les parcourir. Outre le fait que je suis vidé physiquement, je ne me vois pas galérer pour finir juste sous les 32 heures, ce qui impliquerait se retaper de longues heures sous la canicule, sans parler de l'état de mes pieds que je devine pas fameux même si je n'ai toujours pas ôté mes chaussures...

Je vais ainsi "comater" pendant 2 heures environ, le temps de gamberger un peu (c'est fini les ultras, je suis nul, ...), jusqu'à ce qu'une personne de l'organisation venue spécialement de Tihany me ramène vers la zone d'arrivée, ainsi que 2 coureurs Hongrois sans assistance ayant abandonné au même point.

Ce n'est que rentré à Tihany (les premiers sont arrivés depuis longtemps, notamment la Hongroise Szilvia Lubics qui signe une énorme performance: première au scratch en 22H10!), et à la voiture de location que je me change et enlève mes chaussures, mais je ne prête pas trop attention à mes pieds à ce moment là.
Arrivée de Szilvia Lubics. Source : ultrabalaton.hu
Je vais dormir un peu dehors à l'ombre, avant d'assister à l'arrivée de Gilles et Juan (seuls Français à terminer, 20ème en 30H57, il n'y aura que 32 arrivants dans les délais de 32H sur 125 partants et 209 inscrits).

Arrivée de Gilles et Juan. Source : Organisation
Cette arrivée me redonne la pêche. L'envie de recourir, et même de revenir ici est déjà bien présente!



Epilogue


Finalement, le seul problème d'après course sera au niveau des pieds (ampoules énormes => brûlures au 2ème degré, et le pied droit a gonflé pendant quelques jours). Deux semaines de coupure complète me permettront de repartir sur de bonnes bases avant de débuter ma préparation pour les 24 heures de Vierzon.


Je reviendrai en Hongrie en 2013, histoire de découvrir les 50 derniers km de ce tour de lac. Un "redoublement" qui je l'espère sera payant et me permettra d'aborder le Spartathlon dans de bonnes conditions.





En attendant un débrief plus technique en chiffres et quelques pistes d'améliorations pour éviter les nombreuses erreurs commises, voici mes temps de passage et classement aux différents CP :
  • 005,8 km (CP N°02) : 00:33:10
  • 011,2 km (CP N°03) : 01:05:45
  • 015,5 km (CP N°04) : 01:34:43 (80/125)
  • 020,0 km (CP N°05) : 02:01:05 (75/125)
  • 025,7 km (CP N°06) : 02:35:05
  • 031,6 km (CP N°07) : 03:11:26 (61/123)
  • 036,6 km (CP N°08) : 03:42:16 (54/122)
  • 043,5 km (CP N°09) : 04:22:38 (43/122)
  • 046,5 km (CP N°10) : 04:42:47 (36/122)
  • 052,0 km (CP N°11) : 05:15:00
  • 057,7 km (CP N°12) : 05:56:16 (28/116)
  • 061,9 km (CP N°13) : 06:25:06 (23/116)
  • 066,0 km (CP N°14) : 06:51:10
  • 071,0 km (CP N°15) : 07:26:05 (23/112)
  • 076,2 km (CP N°16) : 08:05:35
  • 083,8 km (CP N°17) : 09:02:14 (18/100)
  • 087,0 km (CP N°18) : 09:32:04 (18/91)
  • 092,1 km (CP N°19) : 10:15:25 (18/83)
  • 095,4 km (CP N°20) : 10:48:12 (20/82)
  • 100,0 km (CP N°21) : 11:27:00
  • 103,1 km (CP N°22) : 11:55:11 (20/79)
  • 106,5 km (CP N°23) : 12:22:30 (20/77)
  • 112,2 km (CP N°24) : 13:05:48 (17/75)
  • 118,0 km (CP N°25) : 13:58:00 (15/62)
  • 122,5 km (CP N°26) : 14:33:19 (14/61)
  • 126,0 km (CP N°27) : 15:03:01 (14/60)
  • 131,4 km (CP N°28) : 15:42:16 (14/59)
  • 136,4 km (CP N°29) : 16:20:14 (12/56)
  • 139,3 km (CP N°30) : 16:48:39 (12/48)
  • 144,1 km (CP N°31) : 17:28:43 (12/48)
  • 148,8 km (CP N°32) : 18:06:05
  • 152,2 km (CP N°33) : 18:39:51 (13/46)
  • 155,5 km (CP N°34) : 19:16:24 (13/45)
  • 162,5 km (CP N°35) : 21:07:58 (13/44)


L'enregistrement Polar avec les principaux événements :
Données Polar (rouge: FC, bleu: vitesse, vert; cadence)

6 commentaires:

  1. Bravo pour le CR JP...et je te vois bien faire un podium en 2013!

    Manu

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  2. Un grand bravo tout de même, malgré l'abandon. Cette chaleur n'a pas aidé. Je te souhaite une bonne récupération!

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  3. super récit! tu feras mieux ds de meilleurs conditions.
    une femme au scratch? wouahou

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  4. Jean-Philippe bien entendu ce n'est que partie remise en te souhaitant de bien meilleures conditions climatiques.....
    Bravo à tous prendre le départ est déjà un beau défi mental....
    Belle expérience , MERCI de nous la faire partager et vivre :-)

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  5. C'est tout de même incroyable que tu aies pu faire autant de kms par une chaleur pareille, à laquelle nos corps européano-océaniques ne sont pas habitués. Surtout avec ce début d'été frais et pluvieux, plus typé breton que cette canicule que tu as vécu en Hongrie.
    Bravo !

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  6. C'est incroyable!
    Mais quelles sont les pistes d'amélioration? Réduire la vitesse moyenne sous la chaleur? Manger plus? Autrement? Pauses plus longues aux relais?

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