Test d'effort sur tapis / Mesure indirecte VO2max

Depuis que je cours (ça fait 6 ans 1/2), je n'ai jamais eu affaire au corps médical (hormis mon généraliste pour établir mon certificat chaque année), n'ayant jamais été contraint à l'arrêt de la course à pied pour blessure ou grosse fatigue. Je ne suis pas du genre à consulter à la moindre gêne musculaire ou tendineuse, je préfère écouter mon corps, prendre le temps de récupérer, et ajuster ma charge d'entraînement en fonction de mes sensations.

Cependant, à 45 ans, il est plus que temps de vérifier que mon cœur fonctionne correctement car je le sollicite à longueur d'année, sur des efforts intenses, mais surtout de plus en plus longs...
Accessoirement, ce test sur tapis me fournira une mesure de ma VMA (non mesurée depuis 3 ans...), toujours intéressante même si je ne me sers plus de cette donnée pour m'entraîner. Le dosage des lactates permet également de mesurer les seuils aérobie et anaérobie.

J'ai passé ce test le 21 Décembre dans le service de l'Institut Hospitalier Franco-Britannique (service d'explorations fonctionnelles) à Levallois avec le docteur Marc De Vellis cardiologue spécialisé dans la cardiologie du sport, notamment la course à pied.

Le test consiste à courir sur tapis de course des paliers de 3 minutes en commençant à 8 km/h et en augmentant de 2 km/h à chaque palier.

L'assistante me fixe 6 électrodes au niveau du cœur ce qui fait que je ne peux pas mettre ma ceinture cardio, dommage car j'aurais aimé enregistrer la courbe de FC sur mon Polar et surtout avoir un étalonnage pour voir si la FC mesurée correspond bien à celle d'un appareillage professionnel. Je garde tout de même l'accéléromètre S3 qui s'avèrera assez précis sur tapis, du moins pour les vitesses faibles.

ECG au repos avant le test (cliquer pour agrandir)

On remarque une "double pointe" sur l'enregistrement V1 (1ère ligne). cette "anomalie" est répandue chez près de 30% des coureurs bien entraîné et ne présente aucun danger.

La pente du tapis est réglée à 3 % pour compenser la sur-vitesse liée au tapis..

C'est la première fois que je cours sur un tapis (et sans doute la dernière d'ici le prochain test...).
Au début j'ai beaucoup de mal à dérouler correctement ma foulée sur le tapis et j'ai tendance à trop courir sur l'avant du pied. La FC est très élevée, à 8 km/h je produis le même effort que d'habitude à 12 km/h avec la FC qui va avec... Il y a beaucoup d'amorti, mais surtout le fait d'avoir une vitesse imposée et surtout un sol qui bouge ce qui modifie la foulée.
Je vais donc courir quelques minutes de plus pour ce premier palier le temps de m'habituer un peu à ce support artificiel et commencer à me décontracter un peu.

Je conseille vivement à tous ceux qui doivent passer un test d'effort sur tapis de course et qui ne sont pas habitués à courir sur ce type d'engin d'effectuer au préalable une ou deux séances sur tapis, à des allures variées (surtout lentes), de façon à ce que ce manque d'habitude n'influe pas trop sur le test.
D'ailleurs je ne comprends vraiment pas les personnes qui payent pour courir sur tapis de course, alors que c'est gratuit dehors et tellement plus agréable... Sauf conditions extrêmes bien entendu.

A la fin de chaque palier, l'assistante prend une goutte de sang sur l'oreille pour mesurer la lactatémie et mesure également la tension artérielle, ce qui fait une à deux minutes de récupération passive.

ECG à l'effort - Palier 14 km/h (cliquer pour agrandir)

ECG en début de phase de récupération (cliquer pour agrandir)

On remarque qu'à l'effort, les courbes sont assez "chaotiques", et redeviennent tout de suite régulières dès que l'effort est coupé. Les deux enregistrements précédents ont été réalisés à quelques secondes d'intervalle en fin de palier 14 km/h, et au début de la récupération qui suit (la FC n'a d'ailleurs pas encore eu le temps de redescendre).
Ce phénomène est lui aussi normal.

Pour la fin du test, le docteur passe en manuel pour régler la vitesse à 17,7 km/h (je pense que j'aurais tenu à 18 km/h pile).

C'est nettement plus dur, mais tout à fait tenable, en fait les sensations sont plutôt moins mauvaises qu'à basse vitesse, mais 'absence de vent relatif et la température ambiante bien plus élevée qu'à l'extérieur font qu'il y a une sensation assez étouffante et pas mal de transpiration.
J'aurais tout de même pu tenir encore 2 ou 3 minutes à cette allure.

ECG à l'effort - Palier 17,7 km/h (cliquer pour agrandir)

Les courbes ne présentent pas de différence avec les autres paliers bien que la FC max soit quasiment atteinte.

Sans tenter un autre palier (19 km/h car 20 aurait été bien trop rapide), le docteur m'indique que cela donne une VMA de 18,0 km/h sur tapis, mais que ça fait un peu plus (18,2 km/h) sur piste vu les conditions et surtout le manque d'adaptation à la course sur tapis.
Ceci correspond bien à mon estimation compte tenu de mes séances de fractionnés. La VO2 peut être extrapolée à partir ce des données.
La VO2max estimée est de 63,7 mL/kg/min (formule VO2max = 3,5 x VMA).

ECG en phase de récupération finale (cliquer pour agrandir)

On remarque là une arythmie ESV (Extra Systole Ventriculaire) qui s'est produite 3 fois de façon isolée pendant la récupération finale après le dernier palier (aucune ESV pendant les récupérations des autres paliers). Ce type d'arythmie est assez courant pendant la récupération d'un effort intense (proche de la FC max). Il n'y a pas lieu de s'en inquiéter si ces ESV sont peu fréquentes et isolées ce qui est bien le cas ici.

Courbe Polar - FC reconstituée (cliquer pour agrandir)

N'ayant pas ma ceinture cardio, j'ai reconstitué la courbe de FC à partir d'une vingtaine de valeurs que j'ai récupérées du test.
L'accéléromètre est assez précis, il convient de noter que la cadence est moins élevée que sur piste ou bitume pour une même vitesse: j'ai dû modifier ma foulée (surtout aux allures les plus lentes) pour bien "dérouler" ce qui a dégradé mon économie de course).

Les relevés de FC et du taux de lactates permettent de construire le diagramme suivant:

Courbe de FC et lactates (cliquer pour agrandir)

Jusque vers 16 km/h, la FC est largement plus importante que ce que je constate habituellement à l'entraînement (120 à 10 km/h et non pas 140; moins de 140 à 12 km/h et pas 153, moins de 160 à 14 km/h et pas 170, ...) essentiellement à cause du manque d'habitude à courir sur tapis alors que mon économie de course est plutôt bonne à ces allures sur bitume. Ces données ne me seront donc pas utiles à l'entraînement. Le stress et le manque de ventilation on pu jouer aussi, mais dans une moindre mesure.

Le taux de lactates n'est monté qu'à 9 mMol par litre, ce qui confirme mon impression d'en avoir encore un peu sous le pied (en VMA on monte couramment vers 12 mMol par litre) et je n'avais pas de sensation d'acide lactique dans les jambes.

Les mesures de tension artérielle étaient normales : de 136/66 mmHg après le premier palier à 200/80 mmHg après le dernier palier pour revenir rapidement à la valeur initiale.
La récupération est également bonne (la FC redescend assez vite lors des récupérations).

Le docteur estime mon seuil aérobie à 13,3 / 13,5 km/h (158 à 160 bpm) et mon seuil anaérobie à 15,0 / 15,2 km/h (170 à 173 bpm).
Ce dernier devrait correspondre à l'allure semi (selon la définition du seuil utilisée par le docteur, il y a une multitude de définitions...), cela correspond bien à la réalité.

Il m'a conseillé de bien travailler l'allure semi, mais aussi de courir davantage eu delà de 95% de FCM car il semble que j'aie la possibilité d'augmenter ma VMA de 0,5 km/h.

Outre le cœur, le docteur a également regardé la posture et la foulée (très légère pronation). Tout va bien également de ce coté et aucune correction n'est nécessaire.

Une autre donnée intéressante est la mesure du taux de masse grasse (plis graisseux en divers endroits du corps).
Le résultat est de 19% de MG ce qui est beaucoup, mais j'ai un surpoids d'environ 1,5 kg au moment du test (surpoids confirmé par le docteur), ce qui ferait un taux de ~16% de MG avec un poids de forme (estimé de 59,5 à 60,0 kg). C'est dans la fourchette haute préconisée pour un coureur amateur avec une pratique relativement intensive, mais d'après le docteur, c'est mieux pour un coureur d'ultra d'avoir un peu de "réserve". D'ailleurs je me sens moins en forme si je descends sous les 59 kg.
Ce qui est intéressant c'est que je connais désormais le delta avec ma balance à impédance-mètre qui sous-estime mon taux de MG de 3 à 4%. Quand je suis affûté, je suis proche des 12% sur ma balance, ce qui correspond bien aux 16% préconisés. En ce moment c'est plutôt du 15-16% sur ma balance...

Je compte réaliser le test Delerue (test par paliers de fréquence cardiaque) début 2012 afin d'avoir des informations précises sur mes points forts et mes points faibles en fonction des allures de course.