lundi 1 novembre 2010

Spartathlon - Comparatif avec la Badwater et l'UTMB

Afin d'avoir en tête le challenge qui attend le candidat Spartathlète, on peut tenter de comparer ce qui n'est pas forcément comparable, à savoir le Spartathlon et deux autres ultras mythiques dans des registres différents mais tous de réputation internationale et attirant les meilleurs spécialites mondiaux : La Badwater ultra extrême sur route ("The world's toughest foot race" selon le site officiel) et l'UTMB (Ultra Trail du Mont Blanc) dans le domaine de l'ultra-trail de montagne.

Le but n'est pas de savoir laquelle de ces trois courses est la plus "dure", ce qui reste subjectif et sujet à polémique, mais bien d'avancer des éléments factuels et chiffrés selon différents critères.


Budget

Le Spartathlon (400 Euros + A/R Athènes) reviendra certes plus cher que l'UTMB (150 Euros), mais ces 400 Euros incluent 6 jours tout compris et le matériel nécessaire est beaucoup plus basique coté Spartathlon quand on voit la liste du matériel obligatoire pour l'UTMB...
Note : Le tarif du Spartathlon vient d'augmenter pour passer de 250 à 400 Euros en 2011, ce qui est significatif mais reste un bon rapport qualité / prix compte tenu des prestations offertes.

Pour la Badwater, le budget est sans commune mesure: Team complet, 4x4, inscription onéreuse, A/R USA, ... Je n'ai pas de chiffres, mais 10000 Euros doit être l'ordre de grandeur. Donc à moins d'être richissime, prévoir de chasser le sponsor...

Donc égalité entre l'UTMB et le Spartathlon qui sont deux courses tout à fait abordables pour des passionnés pour qui c'est en général le sommet de la saison, voire de plusieurs saisons.


Inscription / Nombre d'inscrits

L'UTMB a un système de points à acquérir sur des trails suivant leur nombre de km et leur D+, ceci sans limite de temps ou de classement, juste finir dans les délais. Ensuite pour ceux qui ont assez de points, il y a tirage au sort. On est là dans un système de course de masse (rien de péjoratif), assez similaire au marathon de Paris même si le nombre maximum d'inscrits est limité à 2300 car c'est un trail et qu'il faut bien assurer la sécurité des coureurs ainsi qu'une certaine fluidité, sinon on peut parier qu'il y aurait plus de 10000 partants.
Parcours UTMB (source: site officiel)

Pour le Spartathlon, il faut envoyer un dossier contenant la liste des ultras terminés, avec au minimum parmi les courses récentes, soit un 100 km couru en moins de 10H30, soit une épreuve de 200 km "non stop" terminée dans les délais impartis (je suppose que si on a comme ultra en tout et pour tout un seul 100 km roulant et couru en 10H29 l'organisation ne validera pas, de même qu'avec une épreuve de 200 km bouclée en 40 heures...?). Le nombre d'inscriptions est limité à 350 inscrits en 2011 (350 inscrits en 2010 pour 450 dossiers envoyés), ce qui devrait pousser les organisateurs à durcir les conditions d'admission dans les prochaines années afin de garantir la qualité des prestations et de conserver l'aspect "élitiste" de l'épreuve.
Spartathlon - Médaille finisher (source: Wikipedia)

La Badwater fonctionne également avec un dossier et des prérequis: avoir terminé au moins 3 courses d'au moins 100 miles "non stop" dont une récemment, ceci sans limite de temps. Le nombre d'inscrits est limité à 100 environ, ceci pour des raisons légitimes de sécurité ainsi que d'autorisations du fait qu'une portion du parcours est située dans un parc naturel. Ce nombre restreint de partants entretient également le coté "élitiste" de cette course.

Il serait aussi instructif de connaître le nombre de dossiers reçus par l'organisation au total.
Vincent Toumazou à la Badwater 2010 (source: esprit-course.com)

Le côté "élitiste" du Spartathlon et de la Badwater ressort clairement de ces chiffres, mais alors que pour le Spartathlon la barrière d'entrée est le niveau sportif (prérequis + aptitude à respecter des barrières horaires dures), pour la Badwater, vu la largesse du délai imparti, il s'agit bien au départ d'une barrière financière qui pourra rebuter bien des coureurs pourtant performants. De part l'hostilité de l'environnement (températures extrêmes), la Badwater ne pourra jamais devenir une course de masse.
Pour le Spartathlon, c'est une volonté de l'organisation afin de respecter l'esprit historique et aussi de pouvoir offrir à un coût raisonnable des prestations d'un bon niveau aux participants.

Il est donc beaucoup plus difficile de participer au Spartathlon et à la Badwater qu'à l'UTMB. Indépendamment de l'aspect financier, il est encore plus difficile de participer à la Badwater qu'au Spartathlon du moins pour un Européen car il y a très peu d'élus.


Difficultés propres à chaque course

Chacune de ces épreuves se gagne dans des chronos similaires, de l'ordre de 24 heures. La durée de l'effort n'est donc pas un critère de différentiation.

La Badwater se distingue par un parcours sélectif (4000m de D+ sur 217 km avec une arrivée à 2548m d'altitude), mais surtout par des températures de 50°C voire plus sans ombre évidemment. Parvenir à résister à cette chaleur est vraiment la particularité de cette course. Une assistance bien rodée est indispensable pour permettre la progression du coureur dans ces conditions: elle hydrate, alimente et rafraîchit le coureur en permanence.
Il y a des barrières horaires correspondant à un temps limite de 48 heures (nouveauté 2011, c'était 60 heures jusqu'en 2010).

Le Spartathlon propose un parcours un peu moins exigeant que la Badwater (2800m de D+ sur 245,3 km) avec des températures chaudes, souvent de 30°C ou 35°C la journée. Le coureur progresse seul, mais bénéficie de ravitaillements tous les 3 ou 4 kilomètres à chaque point de contrôle, ne nécessitant donc pas une grosse autonomie. Son équipe d'assistance éventuelle ne peut intervenir qu'à certains points de contrôle.
La difficulté réside surtout dans des barrières horaires calculées sur un temps limite de 36 heures qui n'autorisent quasiment aucune faiblesse.

L'UTMB étant une course se déroulant en haute montagne, la difficulté réside donc dans la capacité de progresser sur des chemins plus ou moins techniques dans des conditions météo pouvant changer rapidement, avec un dénivelé conséquent (9500m D+ pour 166 km), avec des cols à plus de 2500m, tout cela en semi-autosuffisance (environ 15 ravitaillements).


Expérience nécessaire

Ces 3 épreuves nécessitent une certaine expérience préalable en ultra sur route pour la Badwater et le Spartathlon, en ultra trail pour l'UTMB.

Cependant, l'UTMB peut parfaitement se gérer avec une expérience relativement minimale (les fameux points nécessaires semblent être ce minimum), pour peu que l'on ait une excellente condition physique, que l'on ne soit pas trop lent, et qu'on limite ses ambitions à terminer dans les délais. Il convient alors de s'économiser avec sagesse dès le départ pour avoir de bonnes chances de voir l'arrivée.

Le Spartathlon comme la Badwater nécessitent sans doute bien 5 ans d'expérience en ultra sur route, dont des courses d'une durée d'environ 24 heures. En outre, pour la Badwater, avoir couru des ultras par forte chaleur (MDS -Marathon des Sables- par exemple) est quasiment indispensable.


Barrières horaires / Taux d'abandon

Plutôt que de comparer les barrières horaires de courses où les vitesses moyennes sont très différentes compte tenu de parcours et de conditions de courses tous uniques, comparons plutôt le temps moyen constaté du vainqueur et le délai imparti pour terminer l'épreuve (en ayant pris soin d'enlever les temps des extra terrestres Yannis Kouros et Kilian Jornet au passage...).

Temps moyen du vainqueur / Délai :
  • Spartathlon : 24H / 36H, soit un ratio de 1,5
  • UTMB : 22H / 46H, soit un ratio de 2,1
  • Badwater : 24H / 48H(*), soit un ratio de 2,0 (* : 60H jusque 2010)
On voit clairement qu'à durée de course similaire pour l'élite (de l'ordre de 24 heures), les concurrents du Spartathlon doivent courir à une vitesse d'au moins les 2/3 de celle du vainqueur pour être dans les délais (proportionnellement cela équivaut à un délai de 3H10 sur un marathon), contre la moitié seulement pour l'UTMB et la Badwater (équivalent d'un délai de 4H15 sur marathon). Avec des barrières de type Spartathlon, au vu des résultats de 2010, 42 des 66 finishers (en moins de 48H) de la Badwater auraient donc été éliminés. Pour L'UTMB 2009 environ 1200 des 1380 finishers auraient été éliminés en plus de 33 heures, et même en mettant la barre à 36 heures, près de 1100 auraient encore été éliminés.

Parlons également du taux d'abandon, bien que cela soit moins significatif que le ratio délai / temps du vainqueur (les participants s'alignent au départ en connaissance de cause...).

Taux d'abandon moyen de ces dernières années (cause: barrières horaires ou autre):
  • Spartathlon : 60%
  • UTMB : 40%
  • Badwater : 20% (en prenant 48H comme temps limite)
Ceci ne veut bien sûr pas dire que la Badwater est plus facile, juste que les concurrents sont sans doute mieux sélectionnés, préparés, et davantage motivés, à la mesure de leur investissement.
Sur le Spartathlon, c'est évidemment les barrières horaires qui mettent hors course la majorité...

2 commentaires:

  1. Encore un vrai plaisir à lire tes articles. C'est clair et précis.
    En tout cas ce sont de vrais "bonbons" qui vont devenir des "références".
    Merci

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  2. Encore un article intéressant.
    J'aime beaucoup tes comparaisons très pertinentes et réalistes.
    Merci JP.

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