Cet article tente de déterminer les performances nécessaires pour espérer raisonnablement être finisher du Spartathlon.
Au delà des pures performances chronométriques, de l'expérience sur des courses se rapprochant du Spartathlon par certains cotés sera un avantage.
Rappelons les prérequis demandés par l'organisation :
- soit un 100 km en moins de 10H30,
- soit une course en ligne d'au moins 200 km terminée dans les délais (sans exigence de performance).
Bien entendu, ces prérequis ne sont que des minimas, il est évident qu'un dossier ne contenant qu'un 100 bornes en 10H29 ou un 200 km en 40 heures ne sera pas retenu.
Ceci étant dit, il faut prendre en compte les différentes contraintes :
- 245,3 km en moins de 36 heures,
- les 81 premiers km à 9 km/h environ dont les 25 premiers à près de 10,5 km/h,
- la température qui est encore souvent de 30 °C, voire 35°C à fin septembre en Grèce,
- le D+ cumulé est d'environ 2800 mètres,
- le passage de la "montagne" est relativement technique et peut faire perdre du temps.
I. Estimation des performances minimum sur 100 km et 24 heures
La contrainte du départ rapide implique qu'un coureur valant 10H30, voire même 10H sur un 100 km roulant couru dans de bonnes conditions n'aura pas suffisamment de marge de "vitesse" (si on peut appeler vitesse la moyenne qu'on peut tenir sur 100 km), ceci d'autant plus qu'il aura dû courir les 25 premiers km plus rapidement que sa vitesse spécifique 100 km.
Il risque fort de dépenser quasiment toute son énergie uniquement pour arriver avec très peu d'avance sur la barrière horaire au CP N°22 (Hellas Can, km 81). La probabilité qu'il abandonne à cet endroit est forte, et s'il a encore la force de repartir, il le paiera un peu plus loin.
Une vitesse de 10,5 km/h sur 100 bornes semble bien être un minimum, soit une performance minimum de 9H30 sur 100 km, afin de pouvoir se permettre de courir un peu "en dedans" sur la 1ère section jusqu'à Corinthe.
C'est d'ailleurs ce que dit Rune Larsson en préambule de sa page de conseils "How tu run Spartahlon" qui a terminé plus de 10 fois l'épreuve (et l'a gagnée 3 fois): "The cutoff times are rather challenging. One needs a good margin to his or her maximum capacity. If you can not break 10 hours in 100 kilometers, you will have a rather slim chance to make it all the way to Sparta within 36 hours. If you can run 100 kilometers faster than nine hours, you have reasonable odds.".
Passons maintenant à l'endurance nécessaire pour espérer aller au bout dans les délais, car une performance sur 100 km, fut elle sous les 8 heures ne démontre en rien la capacité d'un coureur à tenir sur les 245,3 km. Il n'y à qu'à constater la difficulté qu'ont certains (bons) centbornards à monter sur 24 heures pour s'en convaincre.
Prenons comme étalon de cette endurance la marque obtenue sur une épreuve de 24H courue dans de bonnes conditions et tentons de la rapprocher du Spartathlon.
Tentons d'abord de corriger la distance de l'épreuve pour la faire correspondre à un parcours plat couru dans des conditions idéales de température:
- Pour le D+ : Ajoutons 0,5 km pour 100m de D+ (ordre de grandeur constaté sur parcours roulant avec dénivelé type 100 km de Millau, c'est une moyenne, ça dépend bien sûr des qualités de grimpeur / descendeur) => +14 km environ pour 2800m de D+
- Pour la partie technique "montagne", ajoutons 20 minutes (par rapport à l'équivalent sur route) => +2 km environ
- Pour la température, ajoutons 8% sur les heures chaudes (là encore ça dépend de la résistance à la chaleur), soit 18 heures (9 heures le vendredi + 9 heures le samedi), soit 4% sur l'ensemble vu que ça fait juste la moitié => +10 km environ
Total : + 26 km, soit un équivalent de 269 km en 36H sur terrain plat dans des conditions optimales (vitesse moyenne: 7,47 km/h)
Si l'on se base sur une durée de 36 heures, il faut tenir compte que la durée de course est supérieure de 50% à celle d'un 24H.
Or, pour un 48H, le kilométrage est en moyenne de 1,55 x la marque sur 24H (source Ultrafondus), soit une vitesse 48H = 0,775 x vitesse 24H. On peut donc estimer que la vitesse 36H = 0,89 x vitesse 24H.
Pour notre objectif, cela donne une vitesse 24H de 7,47 / 0,90 = 8,39 km/h, soit une marque de 199 km.
Comme en général, les courses horaires sont, pour la plupart des coureurs (mais ça dépend vraiment du mental) un peu "pénalisantes" pour la performance par rapport aux courses en ligne (compter 2% à 3% de vitesse moyenne en moins sur une course horaire par rapport à une course en ligne de durée similaire courue dans les mêmes conditions), on peut ramener cette marque minimum plutôt vers 194 km (199 - 2,5 %).
En conclusion, il est fortement souhaitable d'avoir une marque supérieure à 190 km sur 24 heures pour envisager sereinement d'être finisher. Une marque inférieure à 180 km ne laisse quasiment aucun espoir.
Note : C'est d'ailleurs l'avis de Hervé Bec.
Sur ce principe, il est d'ailleurs possible d'établir une table de correspondance entre le temps envisageable au Spartathlon et la marque sur un 24 heures.
Table de correspondance Marque 24H => Temps Spartathlon (coef utilisé)
293 - 305 km => 20H - 21H (coef 0,962)
281 - 293 km => 21H - 22H (coef 0,955)
271 - 281 km => 22H - 23H (coef 0,947)
262 - 271 km => 23H - 24H (coef 0,939)
254 - 262 km => 24H - 25H (coef 0,931)
246 - 254 km => 25H - 26H (coef 0,924)
239 - 246 km => 26H - 27H (coef 0,916)
232 - 239 km => 27H - 28H (coef 0,908)
226 - 232 km => 28H - 29H (coef 0,900)
221 - 226 km => 29H - 30H (coef 0,893)
216 - 221 km => 30H - 31H (coef 0,885)
211 - 216 km => 31H - 32H (coef 0,877)
206 - 211 km => 32H - 33H (coef 0,869)
202 - 206 km => 33H - 34H (coef 0,861)
198 - 202 km => 34H - 35H (coef 0,854)
194 - 198 km => 35H - 36H (coef 0,846)
Calcul :
Le coefficient est celui utilisé dans la relation "Vitesse moyenne Spartathlon = coef x Vitesse moyenne 24H".
- Avec "coef = (245,3 / 269) * coefficient correcteur / 0,975"
- Le coefficient correcteur est en fonction de la durée de course comme calculé précédemment (0,90 pour 36 heures, 1 pour 24 heures par définition, puis au prorata par tranche horaire).
- 0,975 est pour tenir compte du gain de 2,5% sur une course en ligne par rapport à une course horaire.
Par exemple, un coureur valant 213 km sur 24H (soit 8,877 km/h) peut raisonnablement espérer une moyenne horaire de 8,875 * 0,877 = 7,783 km/h sur le Spartathlon, soit environ 31H30.
Quelques cas concrets (source : base de données d-u-v.org)
- Record mondial Yannis Kouros : 24H = 303,5 km => 20H10, proche de 20H25 le record du Spartahlon
- Record Scott Jurek : 24H = 266,7 km => 23H30 alors que son meilleur temps sur l'épreuve est 22H20, mais Jurek n'est pas vraiment un coureur de 24H
- Record Ivan Cudin : 24H = 263,5 km => 23H47, meilleure réalisation: 23H07
- Record Sumie Inagaki : 24H = 241,4 km => 26H37, meilleure réalisation: 27H39
- Record Hervé Bec : 24H = 216,4 km => 30H45, meilleure réalisation: 32H31 (plutôt un coureur de courses horaires?)
- Record Gilles Pallaruelo : 24H = 202,7 km => 33H44, meilleure réalisation: 32H24
On voit que cela fonctionne avec une certaine marge d'erreur dans un sens ou dans l'autre en fonction de la spécificité du coureur. Il est évident que les conditions météo jouent beaucoup, ainsi que le nombre de participations (un nombre important de participations tant sur 24 heures qu'au Spartathlon donnera des chiffres plus fiables).
II. Expérience nécessaire
Passons maintenant à l'expérience nécessaire, ou tout du moins conseillée pour être prêt à relever un tel défi. Car des références suffisantes sur 100 km et sur 24H c'est bien, mais avoir également couru des épreuves ayant des points communs avec le Spartathlon c'est mieux.
Différentes caractéristiques sont à prendre en compte :
- Durée de course de 24H ou davantage (donc courir de nuit)
- Forte chaleur
- Dénivelé assez conséquent
- Gestion de ravitaillements similaires
- Courir de nuit sur un sentier escarpé
Voici quelques courses intéressantes en France :
- Les 24 heures, surtout ceux où il risque de faire chaud, soit entre autres: 24H de Roche La Molière (début juin), 24H des Yvelines (fin mai), 24H de Saint-Maixent l'Ecole (mi septembre) Ils permettent de se confronter à la fatigue d'une course de 24 heures et à la course de nuit. Les ravitaillements sont plus fréquents (il faudrait ne ravitailler qu'un tour sur trois pour être dans les conditions du Spartahlon). S'il a fait chaud, on peut considérer qu'une performance de 180 km permet d'envisager être finisher au Spartathlon.
- Le Grand Raid du Golfe du Morbihan (177 km, fin juin) comporte plus de chemins que de bitume et les ravitaillements sont assez espacés, mais son profil assez roulant et le fait qu'il puisse faire chaud en font une course intéressante. Le Grand Raid du Golfe du Morbihan peut très bien servir de référence à la place d'un 24 heures. Dans ce cas, il convient de le boucler en moins de 25 / 26 heures, voire un peu plus vite s'il ne fait pas chaud, pour espérer terminer dans les délais au Spartahlon.
- L'Integrale de Riquet (240 km, début juillet si tant est qu'elle est encore lieu) présente un parcours de longueur similaire au Spartathlon et la chaleur est souvent au rendez-vous. Par contre, il n'y a quasiment pas de dénivelé, essentiellement des chemin de halage, et le ravitaillement est fourni par l'accompagnateur vélo obligatoire. Un chrono de l'ordre de 33 / 34 heures (ou plus en cas de forte chaleur) serait satisfaisant pour pouvoir terminer le Spartathlon.
- Les épreuves de 100 km avec du dénivelé et risquant de se dérouler par temps chaud sont également intéressantes. Courues sans accompagnateur, les ravitaillements sont espacés de 5 km ce qui est similaire au Spartathlon. Les 100 km suivants peuvent convenir: 100 km du Morvan (début juillet), 100 km du Semnon (fin septembre), 100 km de Millau (fin septembre). Evidemment, sur de tels parcours, il faudra enlever environ 30 minutes, voire 1 heure en cas de forte chaleur (sans doute encore plus pour le Morvan), pour obtenir un temps de référence cohérent sur 100 km.
Pour s'habituer à courir de nuit sur un sentier de montagne, il suffira de le faire à l'entraînement ou bien sur un trail court en nocturne (il y en a de plus en plus), précédé éventuellement d'une sortie longue afin de simuler un peu de fatigue.
Des courses à étapes pas trop longues du genre Etoile Savoyarde (360 km en 6 étapes de 50 à 70 km sur bitume en montagne, début juillet) peuvent aussi s'avérer intéressantes.
Note : L'article relatif à la préparation spécifique reviendra sur certaines courses à caser éventuellement en préparation durant les mois précédent l'épreuve. Le présent article liste des courses utiles pour acquérir de l'expérience sur plusieurs années, indépendamment d'une préparation spécifique.
- Le Spartathlon - Histoire
- Le Spartathlon - Parcours et barrières horaires
- Le Spartathlon - Niveau et expérience requis
- Le Spartathlon - Préparation spécifique
- Le Spartathlon - Logistique et gestion de course
- Le Spartathlon - Meilleures performances / Finishers notoires
- Le Spartathlon - Comparatif avec la Badwater et l'UTMB
- Le Spartathlon - Ultra marathons "cousins"
Article vraiment intéressant
RépondreSupprimerCela met encore un peu plus en relief le niveau de cette course, impressionnant !
Excellent !!!
RépondreSupprimerL'analyse que tu fais est très instructive.
On sait ce qu'il nous reste à faire ! ;-)
Bonjour Jean-Philippe,
RépondreSupprimerTrès belle analyse.
J'ai une analyse qui est similaire. Mais le 24h est qu'une référence supplémentaire, car plus difficile qu'une course en ligne mentalement.
Ma petite expérience me dit qu'il est plus facile de faire une course en ligne, mentalement.
Moi je rajoute 0,15 à 0,30 km/h sur une course en ligne. allez chercher plus de 200 km sur un 24h, il faut avoir un mental bien accroché car il est si facile d'arrêt à son stand. Sur une course en ligne on repousse toujours plus loin l'arrêt, et quelques fois on se retrouve sur la ligne d'arrivée avec un peu de volonté.
Regarde Jean-Jacques Moros qui fait des superbes courses en ligne de plus de 200 km et qui de grandes difficultés avec les 24h et je peux te citer d'autres coureurs.
A bientôt pour la suite de tes articles que je trouve très intéressants.
Merci Vincent et Didier.
RépondreSupprimerEffectivement je m'étais fait la remarque pour les courses en ligne longues vs les courses horaires. Un autre exemple sur plus long est Yannis Kouros qui exploserait de + de 100 km je pense son record mondial des 6 jours sur Sydney Melbourne.
Je complèterai mon analyse en regardant les perfs 24H de certains finishers, mais on peut devrait pouvoir retenir 190 km comme marque minimum en enlevant 0,3 km/h.
Très intéressant, merci pour cet article très complet qui m'aidera sans aucun doute à ma participation futur 2012 je l'espère voir 2013 sinon!
RépondreSupprimerFabien
www.extremebusrunner.com
Et hop, je me replonge dans cette saine lecture ...
RépondreSupprimerEt je me dis qu'après ma Nove Colli je dois pouvoir faire mieux ...
Vivement septembre .....
A+